A. Laurens
- 1818
Commentaire
:
A. Laurens
était chef de division à la Préfecture
du Doubs. Ce texte est
une copie presque conforme de celui paru dans l'Annuaire de
1815
Extrait
: GROTTES Les grottes
sont extrêmement nombreuses dans le
Département. Il n'entre pas dans notre plan de
traiter de leur origine et des causes de leur formation,
nous nous bornerons à dire qu'elles existent toutes
de temps immémorial. "L'entrée
de la grotte étoit autrefois
très-étroite, elle a été
élargie par l'ordre d'un Intendant de la Province
(1). En passant successivement par trois salles, on
arrive à une autre plus grande, formée, pour
ainsi dire, d'une seule pièce de roc vif, dont la
voûte plate peut avoir 150 pieds dans sa plus grande
longueur, sur 70 de large. Le plafond de cette grande salle
n'a guère plus de 8 pieds l'élévation.
Avant de pénétrer dans l'intérieur, il
faut avoir soin de se munir de flambeaux et de sarraux de
toile, parce qu'il y règne la plus grande
obscurité, et qu'on risque de s'enfoncer dans des
trous qui se présentent en plusieurs endroits. Elles
sont d'ailleurs remplies de chauves-souris qu'il ne faut
point inquiéter; car si on les chasse, il s'en
répand une si grande quantité, qu'il est
impossible d'y rester plus long-temps. En prenant ces
précautions, on admire à l'aise toutes les
beautés merveilleuses de cette grotte, qu'on ne peut
mieux comparer qu'à un sallon rempli d'antiques et de
raretés. Ici, ce sont des colonnes ornées de
tout ce que la patience et la singularité du
goût gothique ont pu inventer de plus délicat
et de plus bizarre ; les unes ont des chapiteaux d'un volume
énorme à proportion du fût de la base,
d'autres ont une base très-massive et un petit
chapiteau. Là , ce sont des pavillons, des alcoves,
des cabinets, des tables, des autels, des tombeaux, des
statues, des trophées, des fruits et des fleurs. D'un
autre côté, ce sont des guerriers armés,
des enfans ; l'oeil croit appercevoir même de jolis
paysages. Dans certaines pièces on voit des niches
singulièrement ornées ; dans d'autres, des
figures grotesques portées sur des espèces de
consoles, des buffets d'orgues, des chaires à
prêcher. Les voûtes, sur-tout, sont bizarrement
ornées de fusées et de pierres luisantes
semblables à des glaçons (2). C'est un
spectacle agréable de voir l'eau
dégoûter sur toutes les figures,
s'épaissir et produire mille formes grotesques
sujettes à une transformation continuelle; ce qu'on
voit aujourd'hui est souvent tout autre dans huit jours.
Tout est blanc et fragile, tant qu'on le laisse dans la
grotte, mais ce qu'on en tire s'endurcit à l'air et
devient grisâtre. Il n'y a point de meilleurs
matériaux pour faire des grottes artificielles. Les
fusées pétrifiées dont nous venons de
parler, ont encore cela de remarquable, que lorsqu'on les
frappe avec une canne, elles rendent différens sons,
dont le retentissement forme une sorte d'harmonie
singulière." Une ancienne
tradition rapporte que les Romains avoient tiré de
cette grotte beaucoup d'or. Il seroit possible qu 'on
eût retiré autrefois quelques
dépôts secrets, cachés dans les
cavités de la grotte pour les soustraire au pillage ;
et il est même probable que c'est
quelqu'événement de ce genre qui a
donné naissance à la tradition, car on ne voit
dans l'intérieur de cette grotte, aucune trace de
minéral; la nature de son sol, de ses parois, ne
varie pas à l'exception du fond de l'antre où
l'on trouve quelque peu de sanguine. (1)
M. de Lacoré, qui a fait construire le petit pont sur
le précipice.
"Annuaire
statistique et historique du département du
Doubs", Besançon, p.102-104
Page
de titre
La plus vaste de ces grottes est celle qui existe sur le
territoire d'Osselle, à deux myriamètres de
Besançon, dans le sein d'une colline peu
élevée. Elle a été
décrite avec exactitude par l'abbé Boizot,
dans le journal des savans, du 9 septembre 1686. Nous allons
la donner textuellement.
"Le sol de la grotte est un sable sec et luisant; mais le
terrain y est fort inégal à cause des
congélations (3) qui s'y sont amassées.
Il est même à craindre qu'avec le temps tout ne
se remplisse, car il y a déjà des endroits
où l'on ne peut plus passer qu'avec beaucoup de
peine, et un, entr'autres, où il faut se
traîner sur le ventre. Pour passer dans la belle
salle, on est presque obligé de traverser un petit
ruisseau dans cette position ; il est vrai qu'un est
amplement dédommagé de cet inconvénient
par l'aspect de tant de beautés curieuses et
diverses, que la nature, souvent bizarre dans ses
productions, s'est plu à y rassembler."
"La longueur de toute la grotte est de plus d'un quart de
lieue. A l'extrémité est un lac de vingt pieds
de diamètre, si profond, qu'on prétend que
1000 brasses de corde, au bout desquelles on avoit
attaché deux boulets de canon, n'ont pu en atteindre
le fond." Cette
cavité est traversée par un pont qui y a
été construit par les ordres de l'intendant de
la Province. "Le
nombre des salles se monte à environ trente-six, mais
elles ne sont ni vastes, ni bien voûtées."
"L'air n'ayant point de jeu dans l'intérieur de la
caverne, y est si épais (4), qu'on n'y respire
souvent qu'avec peine, et que la fumée des flambeaux
qu'on y porte, reste suspendue et immobile à
I'endroit où elle est ; et si après avoir fait
le tour de la grotte, on l'observe au retour, on trouve
qu'elle a gardé sa situation et à peu
près sa forme."
(2)
Des stalactites.
(3) Des
stalagmites.
(4) C'est
du gaz acide-carbonique qui y vicie l'air
atmosphérique.