A. Laurens
- 1828
Commentaire
:
A. Laurens
était chef de division à la Préfecture
du Doubs.
Extrait
: Les plus
vastes de ces grottes sont celles dites d'Osselle,
dont l'ouverture se trouve sur le territoire du hameau de
Château-le-Bois, commune de Roset-Fluans, à 2
myriamètres de Besançon, dans le sein d'une
colline peu élevée et très
rapprochée du Doubs, dont la surface
extérieure en culture a été vendue
comme biens de commune. (1)
Les
curieux qui veulent visiter les grottes doivent, s'ils
viennent par Thoraise, longer le canal Monsieur et suivre
la rive gauche du Doubs, après avoir
passé la percée de Thoraise. En venant par
Quingey, ils passeront par Byans, et iront reprendre la rive
gauche du Doubs, qui les conduira au moulin de la
Froidière, qui n'est qu'à quelques pas de
l'entrée des grottes. Enfin, si les visiteurs
arrivent par Saint-Vit, ils viendront passer le Doubs au bac
de Roset, et remonteront la rive gauche du Doubs. La
première maison qu'ils apercevront sur la colline
à leur droite, est celle du gardien.
"Annuaire
statistique et historique du département du
Doubs", Besançon, p.188-193
Page
de titre
Les dégradations qui ont eu lieu dans ces grottes
depuis un grand nombre d'années, faisant craindre que
de nouvelles détériorations ne finissent par
leur ôter entièrement le charme que la
variété de leurs pétrifications offre
aux curieux; et, d'un autre côté, la
facilité avec laquelle on pénétrait
dans leur enceinte, loin de toute surveillance, ayant
occasionné des accidens, M. le Comte de Milon,
Préfet du Doubs, a pris un arrêté qui
charge M. le maire de Roset-Fluans, d'en fermer l'ouverture,
et d'y établir un gardien pour veiller à la
conservation de pétrifications, et guider les curieux
dans les sinuosités ténébreuses de ce
labyrinthe, moyennant une légère
rétribution. Ces sages dispositions sont
exécutées depuis le 1er janvier 1826
(1).
Nous donnerons dans l'Annuaire de 1829 une description
générale des grottes d'Osselle, d'après
le plan géométrique qui en a été
dressé par M. Rochon, et d'après les
recherches faites dans toutes les parties de ces excavations
souterraines par M. Gevril en 1827, ensuite des ordres que
M. le Préfet lui avait donnés, pour remplir
les vues de l'Académie royale des sciences de Paris.
En attendant, nous allons faire connaître le gissement
et la nature des ossemens fossiles dont ces grottes sont
remplies.
L'ensemble des grottes d'Osselle, dont l'ouverture basse et
étroite est sur le revers de la colline qui s'abaisse
vers le Doubs, vis-à-vis du village de ce nom,
situé au-delà de la rivière, est une
longue suite de cavités souterraines, tantôt
étroites, quelquefois spacieuses, dont les
voûtes inégalement élevées, sont
presque toujours, ainsi que les parois, garnies de
stalactites plus ou moins brillantes, présentant les
formes les plus variées. Des dépôts
sablonneux, des débris de coquillages de
rivière annoncent presque partout le séjour
qu'y ont fait les eaux, et cette observation
générale rejette bien loin le temps où
ces cavités ont pu servir de retraite aux animaux des
forêts qui couvraient la contrée primitivement.
La direction de cette suite de grottes est connue par les
opérations géométriques qui ont
été faites dans l'intérieur en 1826;
elles s'étendent sur une ligne non interrompue de
près de 1000 mètres, d'abord sous le
territoire de Château-le-Bois, puis sous celui de
Roset, et se terminent sous la forêt communale de
Villars-Saint-Georges. Au deux tiers de la profondeur des
grottes, on voit un ruisseau qui les traverse, et qui, avant
qu'un intendant de la province y ait fait construire un
pont, était un obstacle insurmontable pour se porter
au delà. Les recherches d'ossemens fossiles ont
démontré que ce ruisseau n'avait pas
été traversé par les animaux auxquels
les grottes ont servi de retraite, et que,
conséquemment, il y avait des ouvertures pour y
pénétrer qui se sont fermées; car il
n'est pas possible que l'entrée unique qui existe
aujourd'hui, ait jamais pu servir d'issue à des
animaux de la taille et de la force des ours des cavernes
(ursus spelaeus), qui, d'après les ossemens
recueillis, devaient avoir la stature de nos chevaux
ordinaires.
Dans la seconde salle qui suit l'entrée, on trouve
déjà des ossemens d'ours en fouillant le sol;
mais ils sont entassés avec de grosses pierres
calcaires et des débris de stalactites dans une terre
noire, très dure, qui est recouverte elle-même
de stalagmites. Ces ossemens sont peu nombreux et presque
tous brisés. En continuant de fouiller
jusqu'auprès de l'escalier des grandes colonnes, on a
encore trouvé des ossemens, mais tellement
enveloppés de stalagmites, qu'on n'a pu en avoir
aucun d'entier. C'est dans cette partie que se trouve une
fontaine qui provient des filtrations du sol
supérieur.
Après avoir passé sous un rocher à
travers un banc d'argile creusé par la main des
hommes, probablement en 1751, époque où M.
l'intendant de Baumont fit faire des travaux pour rendre les
grottes accessibles aux curieux, jusqu'aux bords du ruisseau
que l'on regardait alors comme le terme des courses
souterraines qu'on y faisait péniblement, on arrive
sur des bancs de rochers provenant évidemment de la
chute d'une partie considérable de la voûte,
qui s'élève dans cet endroit à une
grande hauteur, et l'on ne traverse plus que des
débris recouverts de stalactites jusqu'aux longues et
vastes cavités que l'on appelle la grande salle.
Dès l'entrée de cette grande salle l'on ne
rencontre plus que des argiles reposant sur un filon de mine
de fer en grains, ayant cinq à six pouces
d'épaisseur; dans les lieux où la mine de fer
cesse de se faire remarquer, ainsi qu'on le voit près
des bancs d'argile creusés à peu de distance
du pont, la couche de mine est remplacée par une
couche de terre noire d'un grain très fin. La
séparation d'avec l'argile qui la recouvre est
toujours marquée par une plaque de stalagmites
très solide. C'est sous cette couche calcaire que
l'on trouve le plus d'ossemens, souvent incrustés
dans le calcaire qui en forme le moule. Sur près de
200 mètres de longueur, on trouve constamment des
ossemens, parfois tellement entassés, qu'on a pu en
enlever de gros blocs aglomérés. Les bancs
d'argile qui recouvrent le gissement des os fossiles varient
d'un pied à quinze pieds d'épaisseur; mais
quelle que soit cette épaisseur, les ossemens y sont
également très nombreux. Cet argile,
sédiment déposé par les eaux, est
disposé par couches très minces, qui peuvent
se lever par feuillets, à raison de leur peu
d'adhérence entre elles. Quelques-unes de ces couches
varient de couleurs avec les couches inférieures et
avec les supérieures, ce qui annonce
évidemment que les dé-pôts se sont
succédé.
Quoique I'on rencontre partout, dans cette grande salle, des
ossemens de l'ours des cavernes, dont l'espèce
n'existe plus, ils se trouvent néanmoins en plus
grand nombre dans un contour à droite, dont l'argile
et des déblais en pente servent à gravir vers
l'entrée d'une grotte à vingt pieds au-dessus
du sol, placée parallèlement à la
grande salle où elle aboutit près du pont.
Quatre autres grottes plus étroites viennent
s'embrancher sur cette salle supérieure; les
voûtes en sont si basses, qu'on ne peut les parcourir
qu'en se courbant. En arrivant sur le sol extérieur
de cette grotte, on a reconnu que les stalagmites qui s'y
étaient formées avaient une telle
épaisseur, et étaient si unies et si
compactes, qu'en les brisant pour chercher au-dessous, on a
pu en conserver des morceaux assez grands pour former des
tables. C'est sous ces stalagmites, qui ont quatre pouces
dans leur plus grande épaisseur, que M. Gevril a
rencontré les seuls ossemens qui n'appartiennent pas
à la race d'ours qui, à ce qu'il paraît,
a habité si long-temps l'intérieur des
grottes; ces derniers ossemens, peu nombreux, semblent avoir
appartenu à des espèces bien
inférieures en stature et en force, lesquelles
avaient servi de pâture aux ours. A l'autre
extrémité de cette grotte supérieure,
du côté du pont, la pente de sable
déposé sur des rochers épars ayant
été fouillée pour rendre cette issue
facile, on la trouva tellement remplie d'ossemens que les
plus beaux morceaux en furent extraits; on y a retiré
des têtes bien conservées de sujets jeunes et
vieux, deux squelettes presque entiers, et surtout une
tête déjà à moitié
transformée en fer: tous ces objets sont
déposés au musée d'histoire naturelle
de la ville.
L'Académie royale des sciences, ayant
désiré que tout le sol des grottes fut
exploré, et y ayant consacré une somme de 500
fr., M. Gevril, en suite de l'autorisation qu'il en avait
reçue de M. le Préfet du Doubs, passa le pont
et fit des recherches jusqu'au fond de la dernière
salle; il rencontra toujours des bancs d'argile et de terre
ferrugineuse, mais il ne trouva plus d'ossemens; ce qui
démontre, ainsi que nous l'avons déjà
avancé, que les animaux qui habitaient les grottes,
ne traversaient pas le ruisseau. Toutefois, cette recherche
a donné lieu à M. Gevril, de rendre facile les
passages dangereux de cette partie des grottes.
Cette Académie, à laquelle il avait
été envoyé des échantillons de
tous les ossemens recueillis dans les fouilles d'Osselle,
les a soumis à une commission composée de MM.
Cuvier, Brongniart et Beudant; il résulte du rapport
que M. le baron Cuvier a fait au nom de la commission, que
ces ossemens appartiennent à l'espèce d'ours
dite des cavernes, ursus spelaeus, qui n'existe plus
sur le globe; que ces animaux dont les ossemens sont en si
grand nombre dans les grottes d'Osselle, y ont vécu
dans les temps les plus reculés; qu'ils sont le
résidu d'une longue succession d'années, et
que les derniers animaux qui y ont séjourné
ont dû y périr par une inondation
considérable, qui après avoir tourmenté
l'intérieur des grottes, y a déposé les
sables argileux qu'on y remarque. Cette hypothèse
devant être éclaircie par de nouveaux envois
d'ossemens faits en 1827, nous y reviendrons dans l'Annuaire
de 1829.