A. Laurens
- 1837
Commentaire
:
A. Laurens
était chef de division à la Préfecture
du Doubs. La
première partie est partiellement une reprise du
texte paru dans l'annuaire de 1833
Extrait
: Les grottes
d'Osselles sont les plus célèbres des grottes
du pays. L'existence
des cavernes à ossements constitue un des
phénomènes naturels les plus curieux et les
plus intéressants pour la science. La caverne
d'Osselles est de même ordre qu'un grand nombre
d'excavations dont les montagnes de la Hongrie, de
l'Allemagne, et d'une partie de la France et de l'Angleterre
sont percées, et qui toutes recèlent, en plus
ou moins grande abondance, des ossements d'animaux
terrestres, étrangers pour la plupart à notre
climat. Dès le moyen âge, les cavernes de
Harsh [
]. M. le professeur Buckland,
qui a étudié avec une attention toute
particulière les cavernes anglaises et les animaux
dont elles recèlent les restes [
] a
publié sur ce sujet un ouvrage plein
d'intérêt, qu'il a intitulé :
Reliquiae diluvianae. (1)
On a
trouvé, dans les grottes d'Osselles, quelques
ossements d'hyènes et de lèvres, mais en
petite quantité.
"Annuaire
statistique et historique du département du
Doubs", Besançon, p.212-217
Page
de titre
Dans un vallon fertile, que le Doubs divise en deux parties
inégales, et qu'embellit une dérivation du
canal du Rhône au Rhin, on voit, en arrivant par
Byans, d'un côté le village d'Osselles, et
à gauche, sur une colline, les premières
maison de la commune de Roset-Fluans : le Doubs, qui est en
ce lieu d'une largeur considérable, serpente avec
majesté dans une plaine peu élevée
au-dessus de son niveau, et donne à ce beau vallon un
aspect enchanteur. C'est sur la gauche du fleuve,
vis-à-vis la commune d'Osselles, que se trouve la
haute colline qui renferme les grottes profondes, connues
sous le nom de cette commune.
L'entrée en est basse et étroite; la seule
connue aujourd'hui, est sur le revers d'un coteau qui
s'abaisse vers le Doubs. Une longue suite de cavités
souterraines, tantôt étroites, quelquefois
spacieuses, dont les voûtes, inégalement
élevées, sont presque toujours, ainsi que les
parois, garnies de stalactites plus ou moins brillantes,
présentant les formes les plus variées,
forment l'ensemble des grottes d'Osselles. Des
dépôts sablonneux, des débris de
coquillages fluviatiles annoncent presque partout le
séjour qu'y ont fait les eaux, et cette observation
générale rejette bien loin le temps où
ces cavités ont pu servir de retraite aux animaux des
forêts qui couvraient la contrée primitivement.
Les sinuosités et la direction de cette suite de
grottes sont connues par les opérations
géométriques qui ont été faites
dans l'intérieur en 1826 (v. le plan joint
à l'Annuaire de 1833). Elles s'étendent,
sur une ligne non interrompue de près de neuf cents
mètres, d'abord sur le territoire de
Château-le-Bois, puis sous celui de Roset, et se
terminent sous la forêt de Villars-Saint-Georges. Aux
deux tiers de la profondeur des grottes, on voit un ruisseau
qui les traverse, et qui, avant qu'un intendant de la
province y eût fait construire un pont, était
un obstacle insurmontable pour se porter au-delà. Les
fouilles faites en 1826, pour la recherche d'ossemens
fossiles, ont démontré que ce ruisseau n'avait
pas été traversé par les animaux
auxquels les grottes ont servi de retraite; on doit conclure
de l'existence de ces animaux qu'il y avait, pour
pénétrer dans ces cavernes, des ouvertures qui
ont été fermées par des
éboulements; car il est évident que
l'entrée unique qui existe aujourd'hui, n'a jamais
servi d'issue à des animaux de la taille et de la
force d'ours (ursus spelaeus), qui, d'après
les ossemens recueillis, devaient avoir la taille de nos
chevaux ordinaires. (Voyez l'Annuaire de 1828,
où se trouvent tous les détails de la
découverte de ces ossemens, dont quelques-uns
contiennent encore de la gélatine).
En 1827, le célèbre Cuvier a fait un rapport
à l'Académie des Sciences sur cet objet ; en
voici un extrait :
C'est encore à ce savant géologiste qu'on doit
la découverte des ossements de la caverne
d'Osselles. A la vérité, l'on pouvait
bien supposer que le Jura, qui est une continuation des
Alpes de Souabe et des montagnes à cavernes de la
Franconie, qui contient lui-même plusieurs de ces
excavations, et qui en a d'aussi célèbres par
leurs stalactites qu'aucune de celles de l'Allemagne, devait
aussi offrir des restes des mêmes animaux. Il y a plus
: on avait déjà recueilli dans une fente de
rocher, à Fouvent, département de la
Haute-Saône, des os de plusieurs des animaux
conservés dans les cavernes anglaises, mais personne
n'ayant donné de suite à cette
découverte, on en était réduit à
des conjectures. M. Buckland, visitant la caverne
d'Osselles, qui était depuis longtemps un
objet de curiosité à cause de son
étendue et des stalactites brillantes qui la
décorent, reconnut qu'elle offrait toutes les
apparences des cavernes à ossements de Franconie. Il
crut même pouvoir marquer un endroit où l'on
trouverait des os très-près de la surface ;
et, y ayant porté le marteau, il eut le plaisir de
voir sa conjecture vérifiée.
Le Préfet du Doubs a pris à cette
curiosité naturelle tout l'intérêt
qu'elle méritait, et les fouilles qu'il a
ordonnées, et qui ont été
dirigées avec le plus grand zèle par M.
Gevril, conservateur du cabinet d'histoire naturelle de
Besançon, ont bientôt
révélé que cette caverne contient une
abondance aussi étonnante d'ossements qu'aucune de
celles de la Franconie.
Une certaine quantité de ces fossiles a
été adressée au Muséum de Paris,
et il a été aisé d'en déterminer
l'espèce. "Ce qui nous a surpris, dit M. Cuvier, ce
n'est pas qu'ils appartiennent à ce grand ours
à front bombé, que les naturalistes ont
appelé l'ours des cavernes (ursus spelaeus),
parce qu'ils n'en ont jamais trouvé de débris
que dans des grottes semblables à celle d'Osselles ;
mais c'est qu'ils appartiennent tous à cette
espèce." M. Cuvier en présente des
échantillons à l'Académie : ce sont
deux têtes bien entières, un humérus,
une portion d'omoplate, un cubitus, un astragale, un
calcanéum, plusieurs os du carpe et du tarse, des os
du métatarse et des phalanges. Tous ces os
appartiennent évidemment au genre ursus ; et,
quant à la détermination de l'espèce
particulière, elle n'est pas plus difficile ; car on
possède une tête entière d'ursus
spelaeus tirée des cavernes de Westphalie, que M.
Cuvier a placé également sous les yeux de
l'Académie ; cette tête ne diffère de
celles d'Osselles que parce qu'elle est un peu plus
grande.
Ainsi, par une exception toute particulière, on n'a
trouvé jusqu'ici, dans cette grotte, avec les
ossements d'ours, aucun débris appartenant, ni aux
tigres, ni aux hyènes, ni aux herbivores
contemporains de ces anciennes races, et dont on a
expliqué la présence ordinaire dans ces sortes
de cavernes par la voracité des hyènes, qui
les y traînaient pour les dévorer. (1)
Sans vouloir entrer dans aucune discussion, soit sur la
formation des cavernes, soit sur la manière dont on
peut se rendre compte de la présence des ossements
qu'elles renferment, M. Cuvier rappelle que tout porte
à croire que ces ossements appartiennent à des
animaux qui y ont vécu et y sont morts paisiblement.
L'état d'intégrité de ces ossements ne
permet pas de supposer qu'ils y aient été
entraînés, soit par des courants d'eau, soit de
toute autre manière. Ces débris s'y sont
accumulés par un long séjour, et dans la suite
ils y ont été enfouis par le limon qu'une
grand inondation y a jeté. C'est ce dont on ne peut
douter, quand on considère que ces os conservent
encore leurs proéminences les plus
déliées, et que, si quelques-uns ont souffert,
c'est qu'ils ont été entamés par les
dents d'autres animaux semblables, ou qu'ils ont
été brisés par les instruments des
ouvriers. Les os plats et minces sont presque toujours
fracturés dans les cavernes ; mais c'est à
cause de leur fragilité, et parce que le seul poids
des animaux qui marchaient ou se couchaient sur eux,
suffisait pour les rompre.
Il paraît pourtant qu'à une époque
quelconque l'eau a pénétré dans la
verne d'Osselles, et y a roulé quelques ossements
fossiles, qui se trouvent brisés et
mêlés à des cailloux arrondis ; mais
cette particularité ne s'observe que vers
l'entrée. A mesure qu'on avance, les os sont mieux
conservés, et, à 400 mètres de
l'ouverture, ils se trouvent dans un état parfait
d'intégrité. Ceux qu'on a envoyés
à Paris ont été recueillis à
cette distance. On n'a pas poussé les recherches plus
avant ; mais il est à souhaiter, dans
l'intérêt de la science, qu'on ne
s'arrête pas là. La caverne a 900 mètres
de profondeur : on doit donc attendre de travaux
ultérieurs une nouvelle moisson de recherches
géologiques.