Paul
Laurens - 1848
Commentaire :
Mon
Extrait
: Les grottes
connues dans le pays, sous le nom des grottes
d'Osselles, se trouvent comprises dans la
circonscription du territoire de Roset. "Sans
vouloir entrer dans aucune discussion soit sur la formation
des cavernes, soit sur la manière dont on peut se
rendre compte de la présence des ossements qu'elles
renferment, M. Cuvier rappelle que tout porte à
croire que ces ossements appartiennent à des animaux
qui y ont vécu et y sont morts paisiblement.
L'état d'intégrité de ces ossements ne
permet pas de supposer qu'ils y aient été
entraînés soit par des courants d'eau, soit de
toute autre manière. Ces débris s'y sont
accumulés par un long séjour, et dans la suite
ils y ont été enfouis par le limon qu'une
grande inondation y a jeté. C'est ce dont on ne peut
douter quand on considère que ces os conservent
encore leurs proéminences les plus
déliées, et que, si quelques-uns ont souffert,
c'est qu'ils ont été entamés par les
dents d'autres animaux semblables, ou qu'ils ont
été brisés par les instruments des
ouvriers. Les os plats et minces sont presque toujours
fracturés dans les cavernes ; mais c'est à
cause de leur fragilité, et parce que le seul poids
des animaux qui marchaient ou se couchaient sur eux,
suffisait pour les rompre. Gaz
azote 79
parties. Gaz
oxygène
17
id. Gaz
acide carbonique 4
id. Egalent
Cette
analyse, faite avec exactitude, démontre que l'air
des grottes est composé des éléments
nécessaires à la respiration et à la
combustion. Il est reconnu d'ailleurs que l'air s'y
renouvelle par des courants qui s'introduisent probablement
avec les eaux du ruisseau de la Froidière, qui
les traverse. La température est moyenne dans toute
leur longueur, on en supporte facilement la fraîcheur;
mais l'air y est constamment si humide, que les
vêtements des visiteurs en sont mouillés.
"Annuaire
départemental du Doubs", Besançon,
p.134-138
Page
de titre
Ce sont les plus remarquables de toutes celles que l'on
rencontre dans le département, et elles excitent au
plus haut degré la curiosité des amateurs et
des géologues.
Nous consacrerons quelques lignes à leur
description.
Dans un vallon fertile que la rivière du Doubs divise
en deux parties inégales et qu'embellit encore la
dérivation du canal du Rhône an Rhin, on voit
en arrivant par Byans d'un côté, le village
d'Osselle, et de l'autre les premières maisons de la
commune de Roset-Fluans.
Le Doubs est d'une grande largeur, sur ce point ; il se
divise en deux branches pour entourer l'île du moulin
de la Froidière, toute couverte d'arbres et
d'arbustes. Sur la gauche, vis-à-vis la commune
d'Osselles, se trouve la haute colline qui renferme les
grottes.
La seule entrée accessible aujourd'hui, est
pratiquée dans une fissure basse et étroite de
rochers, sur le revers du coteau. Après avoir
passé dans une espèce de corridor, en pente,
on entre dans une longue suite de cavités
souterraines, tantôt resserrées, quelquefois
spacieuses, dont les voûtes, de hauteur
inégale, sont, ainsi que les parois, garnies de
stalactites variées et brillantes.
Presque partout on rencontre des dépôts
sablonneux, des débris de coquillages, qui annoncent
le séjour des eaux dans ces cavités.
Des opérations géométriques
exécutées avec soin, en 1826, font
connaître la direction de cette suite de grottes ; un
plan indiquant le résultat de ces opérations a
été donné dans l'Annuaire de 1833.
On voit, d'après ce plan, que les grottes
s'étendent du nord-est au sud-ouest, sur une ligne
sinueuse non interrompue de près de 900 m, d'abord
sur le territoire de Château-le-Bois, puis sous celui
de Roset, et se terminent sous le sol de la forêt de
Villars-Saint-Georges.
Aux deux tiers de leur profondeur, coule un ruisseau dont
les eaux formaient obstacle au passage avant la construction
du pont que l'on voit aujourd'hui, et qui est dû
à un des intendants de la province.
Les fouilles faites en 1826 pour la recherche d'ossements
fossiles ont amené de curieuses
découvertes.
Dans la seconde salle qui suit l'entrée, on a
trouvé en creusant le sol à peu de profondeur,
des ossements d'ours, mais ils étaient
entassés avec des pierres calcaires et des
débris de stalactites, sous une couche de terre noire
et dure.
Après avoir passé sous un rocher, à
travers un banc d'argile ouvert probablement en 1751, par
les ordres de M. l'intendant de Beaumont, on arrive sur des
débris de rocs qui proviennent sans doute de la chute
d'une partie de la voûte qui s'élève
à une grande hauteur sur ce point. De là, on
ne rencontre plus que des pierres recouvrant des
stalactites, jusqu'aux longues et vastes cavités que
l'on appelle la grande salle. Dès l'entrée de
cette salle, ce ne sont plus que des argiles reposant sur un
filon de mine de fer en grain, ayant plusieurs
centimètres d'épaisseur. Partout où la
mine de fer cesse de se faire remarquer, comme on le voit
près des bancs d'argile creusés à peu
de distance du pont, le filon est remplacé par une
couche de terre noire, très-ténue et douce au
toucher; cette couche est recouverte d'argile, mais elle en
est toujours séparée par une plaque de
stalagmites très-compactes. C'est sous cette couche
que l'on a trouvé et que l'on peut trouver encore le
plus d'ossements souvent incrustés dans le calcaire
qui en représente le moule.
Les ossements se montrent en plus grand nombre dans un
contour à droite, près du pont, au fond d'un
amas de sable humide que l'on gravit commodément pour
pénétrer dans une grotte particulière
qui est la galerie supérieure de la grande salle dont
nous avons parlé. Quatre autres grottes plus
étroites viennent s'embrancher sur celle-ci. Les
voûtes en sont si basses qu'on ne peut les parcourir
qu'en se courbant. Le sol est garni de stalagmites d'une
grande épaisseur, tellement unies et liées
entre elles qu'en les brisant pour fouiller au-dessous, on a
conservé des morceaux étendus. C'est sous ces
stalagmites qu'on a découvert des ossements d'ours de
moindre taille, mais dont l'espèce est
caractérisée par une tête à front
bombé.
A l'extrémité, du côté du pont,
de la grotte supérieure dont nous parlons, la pente
de sable déposé sur des rochers épars
ayant été fouillée pour rendre cette
issue facile, on mit à découvert beaucoup
d'ossements parmi lesquels on retira les plus beaux
morceaux, tels que deux squelettes presqu'entiers, des
têtes bien conservées de sujets jeunes et
vieux, etc. Ces morceaux sont actuellement au cabinet
d'histoire naturelle de la ville.
Informée du résultat de ces premières
explorations, l'académie royale des sciences exprima
le vu de les voir continuer, et fit mettre à
cet effet à la disposition de M. le Préfet, un
crédit de 500 fr. M. Gevril, qui avait entrepris les
fouilles, fut chargé de poursuivre le travail
jusqu'au fond de la dernière salle. Il sonda des
bancs d'argile et de terre ferrugineuse, mais il ne mit plus
d'ossements à découvert, d'où l'on est
autorisé à penser que les animaux qui
séjournaient dans les grottes n'allaient pas au
delà du ruisseau qui coule à
l'intérieur.
Les échantillons de tous les ossements recueillis ont
été soumis à l'examen d'une commission
spéciale de l'académie des sciences. Le
célèbre Cuvier a présenté
à cette académie un rapport dont nous
donnerons ci-après une analyse :
"L'existence
des cavernes à ossements constitue un des
phénomènes naturels les plus curieux et les
plus intéressants pour la science. La caverne
d'Osselles est de même ordre qu'un grand nombre
d'excavations dont les montagnes de la Hongrie, de
l'Allemagne, et d'une partie de la France et de l'Angleterre
sont percées, et qui toutes recèlent, en plus
ou moins grande abondance, des ossements d'animaux
terrestres, étrangers pour la plupart à notre
climat. Dès le moyen âge, les cavernes de
Harsh étaient déjà
célèbres, et par leur grandeur, et par
l'immense quantité d'ossements que l'on en tirait;
ces os étaient vendus aux pharmaciens sous le nom
d'unicornus fossile, et on en faisait usage en
médecine sous le nom de poudre de licorne
fossile. Les cavernes des monts Crapack, en
Hongrie, furent décrites dans le XVIIe
-siècle. Vers le milieu du XVIIIe, celles de
Friehleberg, en Franconie, devinrent l'objet des
recherches de plusieurs hommes instruits, et l'on en
représenta les ossements avec quelque exactitude. Au
commencement du siècle présent, on fit
connaître celles de Westphalie, et plus
récemment encore on en a découvert et
décrit en Carniole. Enfin, depuis plusieurs
années, il s'en est trouvé en Angleterre et
dans le pays de Galles, qui, ayant été
examinées avec plus de soin que toutes les autres,
ont fourni une étonnante quantité d'ossements
d'espèces différentes. M. le professeur
Buckland, qui a étudié avec une
attention toute particulière les cavernes anglaises
et les animaux dont elles recèlent les restes, a
voulu se rendre compte de ce grand phénomène
dans toute sa généralité, et il s'est
transporté dans les diverses contrées de
l'Allemagne, a pénétré dans toutes les
grottes, en a dressé des plans et des profils, et a
publié sur ce sujet un ouvrage plein
d'intérêt, qu'il a intitulé:
Reliquiae diluvianae.
"C'est encore à ce savant géologiste que l'on
doit la découverte des ossements de la caverne
d'Osselles. A la vérité, l'on pouvoit
bien supposer que le Jura, qui est une continuation des
Alpes de Souabe et des montagnes à cavernes de la
Franconie, qui contient lui-même plusieurs de ces
excavations, et qui en a d'aussi célèbres par
leurs stalactites qu'aucune de celles de l'Allemagne, devait
aussi offrir des restes des mêmes animaux. Il y a
plus: on avait déjà recueilli dans une fente
de rocher, à Fouvent, département de la
Haute-Saône, des os de plusieurs des animaux
conservés dans les cavernes anglaises; mais personne
n'ayant donné de suite à cette
découverte, on en était réduit à
des conjectures. M. BuckIand, visitant la caverne
d'Osselles, qui était depuis longtemps un
objet de curiosité à cause de son
étendue et des stalactites brillantes qui la
décorent, reconnut qu'elle offrait toutes les
apparences des cavernes à ossements de la Franconie.
Il crut même pouvoir marquer un endroit où l'on
trouverait des os très près de la surface; et,
y ayant porté le marteau, il eut le plaisir de voir
sa conjecture vérifiée.
"Le préfet du Doubs a pris à cette
curiosité naturelle tout l'intérêt
qu'elle méritait, et les fouilles qu'il a
ordonnées, et qui ont été
dirigées avec le plus grand zèle par M.
Gevril, conservateur du cabinet d'histoire naturelle de
Besançon, ont bientôt
révélé que cette caverne contient une
abondance aussi étonnante d'ossements qu'aucune de
celles de la Franconie.
"Une certaine quantité de ces fossiles a
été adressée au muséum de Paris,
et il a été aisé d'en déterminer
l'espèce. Ce qui nous a surpris, dit M. Cuvier, ce
n'est pas qu'ils appartiennent à ce grand ours
à front bombé, que les naturalistes ont
appelé l'ours des cavernes (ursus spelaeus),
parce qu'ils n'en ont jamais trouvé de débris
que dans des grottes semblables à celle d'Osselles;
mais c'est qu'ils appartiennent tous à cette
espèce. M. Cuvier en présente des
échantillons à l'Académie : ce sont
deux têtes bien entières, un humérus,
une portion d'omoplate, un cubitus, un radius, un bassin
assez entier, un fémur, un tibia, un astragale, un
calcanéum, plusieurs os du carpe et du tarse, des os
du métatarse et des phalanges. Tous ces os
appartiennent évidemment au genre ursus; et,
quant à la détermination de l'espèce
particulière, elle n'est pas plus difficile; car on
possède une tète entière d'ursus
spelaeus tirée des cavernes de Westphalie, que M.
Cuvier a placée également sous les yeux de
l'Académie; cette tête ne diffère de
celles d'Osselles que parce qu'elle est un peu plus
grande.
"Ainsi, par une exception toute particulière, on n'a
trouvé jusqu'ici, dans cette grotte, avec les
ossements d'ours, aucun débris appartenant, ni aux
tigres, ni aux hyènes, ni aux herbivores
contemporains de ces anciennes races, et dont on a
expliqué la présence ordinaire dans ces sortes
de cavernes par la voracité des hyènes, qui
les y traînaient pour les dévorer (1).
(1) On a
trouvé, cependant, dans les grottes d'Osselles,
quelques ossements d'hyènes, et de lièvre,
mais en petites quantités.
"Il paraît pourtant qu'à une époque
quelconque l'eau a pénétré dans la
caverne d'Osselles, et y a roulé quelques ossements
fossiles, qui se trouvent brisés et
mêlés à des cailloux arrondis; mais
cette particularité ne s'observe que vers
l'entrée. A mesure qu'on avance, les os sont mieux
conservés, et, à 400 mètres de
l'ouverture, ils se trouvent dans un état parfait
d'intégrité. Ceux qu'on a envoyés
à Paris ont été recueillis à
cette distance. On n'a pas poussé les recherches plus
avant; mais il est à souhaiter, dans
l'intérêt de la science, qu'on ne
s'arrête pas là. La caverne a 900 mètres
de profondeur. On doit donc attendre de travaux
ultérieurs, une nouvelle moisson de recherches
géologiques."
Les grottes d'Osselle semblent avoir servi de lit à
un cours d'eau qui se jetait dans le Doubs ; on voit,
à 60 mètres de la grande salle, en marchant
vers le pont, un passage de 75 mètres de long, dont
les voûtes, arrondies uniformément comme le
seraient celles d'un long corridor de cloître,
semblent être le résultat d'un travail d'art.
Ces voûtes sont élevées de 2 à 3
mètres sous le cintre; le sol, d'un niveau
égal d'un bout à l'autre, est formé
d'une terre légère; ce qu'il y a de
remarquable dans ce lieu, c'est que nulle part on ne voit de
stalactites. On distingue sur les parois, dans les parties
inférieures, des érosions en ligne droite qui
prouvent qu'un cours d'eau a coulé dans ce canal
pendant un long espace de temps.
Au delà du pont, on trouve encore de belles salles
bien ornées, et on arrive à un passage
étroit dont la voûte est si
hérissée de stalactites, qu'il faut se tenir
courbé pour le traverser sans se blesser; on arrive
dans ce qu'on appelle la dernière salle, parce que
l'on n'a pu encore aller plus loin. Celle-ci est
ornée de stalactites bizarres; on en voit de fort
belles tombant en draperies élégamment
plissées. À gauche, au niveau du sol, on voit
un précipice très profond dans lequel il
existe de l'eau.
Les grottes d'Osselle ne peuvent être visitées
avec sécurité que lorsque s'étant
réuni à plusieurs personnes ayant chacune un
flambeau à la main, on se fait conduire par le
gardien. On respire librement dans ces sombres demeures; les
lumières ne s'y éteignent pas. Cent parties de
l'air recueilli à quelques centimètres du sol
ont donné à l'analyse chimique , savoir :