Jean-Aymar
Piganiol de la Force - 1752
Commentaire :
La
première édition date de 1752
Le titre
exact est "Nouvelle description de la France; dans laquelle
on voit le gouvernement général de ce royaume,
celui de chaque province en particulier et la description
des Villes, Maisons Royales, Châteaux, & Monumens
les plus remarquables, avec des figures en
taille-douce. Tome Treizième. Contenant le
Gouvernement de l'Alsace, de la Franche-Comté, du
Roussillon, de la Lorraine, & du Barrois".
Copie
presque intégrale du texte de Boisot (qualifié
de 'bel esprit'), avec quelques transformations mineures,
notamment une modernisation de l'orthographe.
Extrait
: L'on trouve
à une lieue de Quingey, & à cinquante pas
du Dou, une grotte longue & large, où la
nature a formé des colonnes, des tombeaux, des
animaux de plusieurs especes, &c. Voici la description
qu'en a faite un bel esprit (*). On y descend par un
trou fort etroit, & qui n'a que dix ou douze pieds de
profondeur. A quelques pas de là on trouve
à main droite une voûte assez grande &
haute, pleine de chauves-souris de haut en bas. Il ne
s'y faut pas arrêter; car si l'on inquiete ces
animaux, il s'en répand une si grande quantité
dans la belle grotte, qu'il est impossible d'y
demeurer. Ce seroit dommage qu'on ne la vit pas en
repos. Je ne la puis mieux comparer qu'à un
salon plein d'antiques & de raretés. En
effet, on y voit de grandes colonnes qu'on diroit faites
exprès pour soutenir la voute, des statues & des
figures de toutes sortes, des cabinets, des fruits, des
fleurs, des festons, des trophées, enfin tout ce
qu'on s'imagine ; car il en est de ce salon
enchanté comme des cloches ; dans l'un on voit, &
aux autres on fait dire tout ce qu'on veut. Dans le
temps que j'y fus, il y a quelques années, il y avoit
des orgues parfaitement bien formées : mais
c'est une transformation continuelle. Ce qu'on y voit
aujourd'hui est tout autre dans huit jours ; &
peut-être que mes orgues sont devenues quelque joueur
de viele. L'unique incommodité qu'il y a à
visiter cette grotte, c'est qu'il faut faire provision de
flambeaux & de just'aucorps de toile ; car on n'y
voit goute & l'on y gâte ses habits. Le
terrein est fort inégal, selon les congelations qui
s'y sont faites. Il est même à craindre
qu'avec le tems tout ne se remplisse ; car il y a
déja des endroits où l'on ne peut plus passer
qu'avec beaucoup de peine, & un entre autres où
il faut se traîner sur son ventre. Mais aussi
ceux qui vont au-delà en content merveilles, soit
qu'ils disent la vérité, soit qu'ils cherchent
à se dédommager en trompant les autres, de la
peine qu'ils ont prise. J'avoue que je n'y voulus pas
passer : ce qui m'en dégoûta fut un petit
ruisseau dans lequel il falloit presque se coucher pour
entrer dans l'autre salle. Je me contentai d'admirer ce
qui étoit dans la premiere : & certes il y
avoit de très-belles choses. Il y a plaisir de
voir l'eau dégoûtant sur toutes les figures se
fixer, s'épaissir & faire mille
grotesques. Tout cela est blanc & fragile tant
qu'on le laisse dans la grotte ; mais ce qu'on en tire
s'endurcit à l'air & devient
grisâtre. Il n'y a rien de plus joli pour faire
des grottes artificielles. (*)
L'Abbé Boisot dans le Journal des Sçavans du
mois de septembre de l'an 1680
"Nouvelle
description de la France", tome XIII, Paris
(3ème édition, 1754), p.160-162
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