Les
femmes de Delvaux paraissent n'avoir ni passé, ni avenir. Ce sont
des figures distantes, abstraites, immobiles, dressées dans un paysage
créé tout exprès comme une grotte par exemple que Maurice
Nadeau décrit ainsi: «Une grotte dans un désert jonché
de pierres. Dans cette grotte un miroir 1900 auquel est appendue une dentelle
serpentine. Devant ce miroir une jeune femme, buste nu (...) ce n'est pas
à son reflet que s'adresse le regard pensif de la jeune femme, c'est
ce reflet qui la contemple.» L'érotisme du peintre s'exprime
à travers l'instant où le regard glisse de la dentelle à
la pointe du sein de la jeune femme. «Je me suis déjà
posé la question de savoir si la signification de mon oeuvre serait
fondamentalement différente si j'avais représenté des
femmes laides. Je l'ignore, avoue Paul Delvaux. Mais je sais que la beauté
éclaire le tableau d'une lumière qui m'importe.» En
effet, les femmes chez Delvaux ne sont pas éclairées
par une lumière qui leur serait intrinsèque et qui viendrait
du dehors. Elles sont la lumière elle-même. «La peinture
de nu, dit Paul Delvaux, le nu lui-même, ne peut jamais être
pour moi, qu'une occasion, un moyen plutôt qu'une fin. Je suis convaincu
que les figures, dans le tableau, doivent revêtir les apparences de
la poésie et du mystère, et en être ainsi les intercesseurs.
C'est cela, me semble-t-il, qui donne à l'oeuvre son altitude et
lui confère ses pouvoirs; de sorte que le nu n'existe pas en soi.
Par là mon travail diffère de celui de certains peintres qui
prennent la femme -la femme nue -pour sujet de tableau et l'inscrivent pour
ainsi dire par reproduction sur la toile, quelque liberté qu'ils
prennent à l'occasion. Le mystère alors s'évanouit
ou ressortit à un autre ordre. Cet esprit demeure totalement étranger
à mon propos. J'insiste sur la nécessité, pour moi,
d'une oeuvre précisément significative, dès qu'elle
est donnée à voir, par son propos même. (...) la présence
insolite d'une femme nue (...) non seulement intemporalise la scène
et indétermine le lieu, mais encore et c'est cela qui importe, traverse
et le temps et la conscience.»
AA. (200). Le
nu au XXème siècle. Fondation Maeght, éditeur (Saint-Paul
de Vence), 279 p. (catalogue d'exposition).
|