Jean-François THIBOT
  Vous êtes ici : Accueil | Divers  | Poèmes  | Jean-François Thibot
   
   
 

Extrait de Je n'aime pas ce qui se passe, mention d'honneur au Prix des Poètes de la Côte-d'Or (1975).

 

Spéléologues


Ils sont venus, drapés dans leurs tenues plastiques,
Bardés de sangles, de cordes et de mousquetons,
Leurs mains gantées tenant des objets métalliques,
De frêles échelles ou de souples cordes en nylon.

Ils se sont lancés dans la paroi ruisselante,
Ivres de vitesse sur la corde tendue,
Ivres de vide et de perspectives fuyantes,
Dans leur grand univers minéral froid et nu.

Ils ont descendu d'autres puits, d'autres éboulis,
Savourant leur plongée au coeur de l'Urgonien
Leur avance dans les méandres aux flancs polis
Par les vives eaux sauvages que rien ne retient.

Puis ils ont mangé et dormi dans les ténèbres,
Groupés autour de la flamme jaune des casques,
Heureux comme dans une fête que l'on célèbre,
Amoureux d'aventure et de raids fantastiques.

Dans l'aube humide de la nuit éternelle,
Ils se sont lancés à nouveau dans l'exploration,
Pataugeant dans des eaux claires et des cascatelles,
Des bassins que ne vit nulle génération.

Les salles titanesques aux grands chaos rocheux,
Les canyons visqueux où serpente la cascade
Ont vite chassé la fatigue de leurs yeux
Et suscité parfois jusqu'à des galopades.

Ils ont vécu amis dans leur monde sans jour,
S'épaulant dans la lutte, unissant leurs efforts
Pour que le gouffre livre son moindre détour,
Lui qui vivra longtemps après toutes leurs morts.