Voix du Jura
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Article de Franck Lacroix, publié dans la
Voix du Jura (hebdomadaire) n°3041 du jeudi 6 mars 2003
 

Balme d'Epy : 22 heures sous terre

Une soixantaine de femmes et d'hommes auront été nécessaires pour sortir un spéléologue blessé du gouffre dans lequel il avait chuté. Récit d'une évacuation.

Dimanche, vers 17 h 15. Le regard de Bruno Loisy semble perdu dans le vide. L'homme, épuisé, vient de quitter le gouffre de la Balme-d'Épy, près de Saint-Julien-sur-Suran, où il a chuté, presque vingt-quatre heures plus tôt. Il est attaché à une civière. Le chef des secours saisit alors son visage, recouvert de boue. Il le fixe pour capter son attention et lui parle. Autour de lui, c'est le soulagement. Une happy end qui clôt un vrai suspens.
Tout commence le samedi. Des spéléologues explorent un gouffre à un kilomètre du village situé en Petite montagne. L'endroit est très apprécié car il s'agit de la plus grande cavité de la région. Celle-ci totalise plus de quatre kilomètres de galeries, fréquemment visités.
Les cinq hommes progressent normalement quand, soudain, l'un d'eux décroche et opère une descente vertigineuse de onze mètres. Bruno Loisy souffre de plusieurs fractures: fracture ouverte au coude, une autre à la jambe et une luxation de l'épaule. Heureusement, pas de lésions internes.
Le Codis reçoit un appel de secours à 19 h 45. Aussitôt il engage les premiers secours, dont une ambulance. Vers 20 heures, il prévient le conseiller technique départemental en spéléo-secours, Denis Millet. C'est lui qui va gérer toute la partie souterraine de l'opération. Depuis son domicile (parce que les téléphones portables sont inutilisables), il commence par constituer des équipes, dans l'ordre de priorité. Jean-Luc Lacroix, l'un de ses adjoints, se rend sur place.

Choqué mais pas démoralisé

Un premier groupe, dit d'assistance victime, rejoint le blessé pour le mettre en condition d'attente. Autrement dit, l'abriter, le réchauffer, lui administrer les premiers soins, le réconforter. "Dans le secours spéléo, on sait d'avance que les temps d'intervention sont longs, que la victime ne sortira pas avant plusieurs heures", fait remarquer Denis Millet.
Par chance, Bruno Loisy est un solide gaillard. "Il était choqué, mais pas démoralisé", témoigne un sauveteur. Un de ses camarades se tient constamment à ses côtés. Il n'a donc jamais été seul.
Il faut alors relier le gouffre -appelé "point chaud"- à la surface où deux tentes ont été montées par les pompiers, chauffées et dotées du matériel nécessaire à un PC de campagne. C'est le rôle d'une seconde équipe de secouristes.
Reste l'intervention proprement dite. Deux hypothèses s'opposent puisque la grotte a deux entrées. "Nous avons préféré aller au plus court même si ce n'était pas le plus simple", indique le responsable des spéléologues. Décision est donc prise de désobstruer à l'explosif le conduit sur plusieurs mètres pour permettre le passage de la civière. Car, entre temps, un des deux médecins spéléologues du Jura, Jean-Marc Frey, est descendu près de la victime.Il exige un transport horizontal. Deux raisons à cela: "On ne sait jamais ce qu'il y a comme fracas internes", énumère le praticien. "Et puis, il ne pouvait pas se mouvoir". La victime garde toujours le moral. Autour de lui, chacun est aux petits soins. "Il était relativement costaud côté mental", confirme le docteur.
Une partie de la nuit de samedi et de la matinée de dimanche sera consacrée au travail des artificiers. "L'utilisation d'explosifs sous terre est une technique très spécifique", explique Denis Millet. Ici, les équipes ont voulu jouer la sécurité, quitte à mettre deux ou trois heures de plus. Elles veulent une montée à la surface sans anicroches. La civière mettra une heure et quinze minutes pour atteindre l'air libre. Nouveaux soins pendant une heure, puis une dizaine de secouristes, s'agrippant à des cordes, marchant dans la boue, emmène Bruno Loisy jusqu'à un hélicoptère de la Sécurité civile du Rhône qui le transporte au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse.
Trente-cinq spéléologues auront été nécessaires, ainsi que vingt-cinq pompiers.

Franck Lacroix

Le statut des spéléos dans le flou
La convention d'assistance en spéléo-secours qui liait le spéléo-secours français (SSF) au ministère de l'Intérieur depuis 1985, a été abrogée. En clair cela veut dire que les spéléologues n'ont plus la direction des opérations de secours souterrain. Ils seront entièrement sous le commandement d'un officier sapeur-pompiers. A la Balme d'Epy, les différents partenaires ont toutefois travaillé en bonne concertation, comme s'en félicite le conseiller technique départemental en spéléo-secours, Denis Millet. Ceci, malgré le flou qui règne au plan national.