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Dimanche 11 mars 1917

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Gouffre des Granges-Mathieu
Chenecey-Buillon


Carnet

Texte de R. Duret

15ème Gouffre des Granges Mathieu
Dimanche 11 mars 1917

Cette excursion fut organisée par la promenade botanique. Nous étions 23. Nous nous retrouvons tous dans le tacot traditionnel. Note Nous en descendons à Busy. De là, nous allons directement aux Granges Mathieu. M.Andlauer nous quitte aux Comices pour descendre en bicyclette à Chenecey, afin de visiter les grottes ; il devait venir nous retrouver au gouffre. Note

Tout se passe comme il avait été prévu. On descend Marcel le premier, puis Vaissier. Ils avaient la tâche de lever le plan de la galerie découverte en dernier lieu. Note Ils entrent dans la galerie et vont directement au fond afin de faire leur travail. Pendant ce temps, l'équipe du dessus me descend. Je reste au bas de la corde pour faire visiter ceux qui vont descendre. Ensuite arrive M.Sollaud, qui part dans la même direction que Vaissier et Marcel, pour rechercher des crustacés. Note Puis c'est Melle Boucher qui descend. Ensuite, M.Andlauer. Melle Boucher reste au bas du gouffre avec moi pour attendre d'autres personnes qui vont descendre.

M.Andlauer, qui veut rentrer pour midi, pour aller plus vite s'engage tout seul dans la seconde galerie, qui lui était inconnue. Quelques minutes après le départ du malheureux professeur, on entendit un éboulement dans la galerie où étaient M.Sollaud, Marcel, Vaissier et Andlauer. C'était le malheureux qui, ayant pris une galerie supérieure communiquant par un gouffre avec la galerie inférieure, était tombé d'une trentaine de mètres. Il vint rouler aux pieds de M.Sollaud qui se trouvait dans la galerie inférieure. Vaissier et Marcel, qui étaient à 30 m de Sollaud, avaient vu une bougie au-dessus du gouffre, dans la galerie supérieure. Ils avaient appelé, mais personne n'avait répondu. Il était assis, les pieds pendants dans le gouffre, et tout-à-coup il glissa dans l'abîme. Ils appelèrent Sollaud qui leur dit que la personne tombée était méconnaissable, et que ce devait être Andlauer ; il était inanimé, le crâne fracassé ; le pouls ne battait plus.

Ils me crièrent alors de faire descendre au plus vite Dayet, Troucin et Drouhard, étudiants en médecine. Mais il n'y avait rien à faire, la mort avait été instantanée.

Je fus aussitôt remonté pour aller prevenir à Besançon. Fernand Vachez descendit et les jeunes filles remontèrent. Puis ils se mirent à l'oeuvre pour remonter le corps jusqu'au pied de la corde. Ce fut une opération très pénible. Enfin, au bout de 3 h ½ , le cadavre était au bas du gouffre. Il fut cousu dans un drapet lié avec un bâton pour le tenir raide. On attacha une corde à chaque bout du bâton, puis une autre corde servit à tenir le cadavre écarté de la muraille. Arrivé au-dessus, il fut placé sur l'herbe ; le curé, prévenu par moi, l'administra.

Chacun se restaura un peu, après quoi on repartit prendre le tacot à Busy, sauf Martinet, Troucin et Drouhard, qui restèrent pour descendre le corps à Chenecey. Ils le mirent à l'auberge Pidancet, et ils le veillèrent pendant la nuit.

Le matin, ne voyant arriver personne, ils reprirent le chemin de Besançon, après avoir rempli les formalités d'usage. Ils nous rencontrèrent, Marcel et moi, qui allions voir à Chenecey ce qu'il y avait lieu de faire. Nous les laissons rentrer et nous faisons à Chenecey les démarches nécessaires.

On ramena le corps à Besançon le mardi, et l'enterrement eut lieu le jeudi.

Cet accident a marqué, dans notre carrière d'explorateurs, un temps d'arrêt. Peut-être reprendrons nous plus tard nos explorations. Nous étions partis gais et pleins d'entrain ce jour-là ; le retour ne fut pas le même. Chacun était taciturne dans son coin. Cette journée, dont nous nous rappellerons longtemps, a péniblement impressionné toutes les personnes présentes à l'accident.

N.B. Ci-joint les articles concernant l'accident, des trois journaux locaux. Note

R.Duret
Duret Marcel

Topo Duret

Note

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En relation avec ce compte-rendu, le carnet contient une photographie prise ce jour-là.
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Nous nous retrouvons tous dans le tacot traditionnel. Le "tacot" est un petit train circulant sur une voie ferrée étroite, aujourd'hui disparue, qui reliait Besançon à Pontarlier et desservait les villages du plateau.
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Il devait venir nous retrouver au gouffre. L'équipe a pris le train à Besançon, et descend à la gare de Busy-Larnod. De là, le groupe gagne le hameau des Granges-Mathieu, sur le plateau, pendant que M.Andlauer descend seul dans la vallée de la Loue pour y visiter les grottes de Chenecey, avant de venir rejoindre les autres au gouffre des Granges-Mathieu.
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La galerie découverte en dernier lieu. Il s'agit de la galerie Nord.
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M.Sollaud, qui part dans la même direction que Vaissier et Marcel, pour rechercher des crustacés. M.Sollaud, professeur agrégé de sciences naturelles, fait des recherches de biologie souterraine et participe à la revue 'Biospeologica' avec R.Jeannel.
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Ci-joint les articles concernant l'accident, des trois journaux locaux. Les carnets contiennent 3 articles de presse extraits de la "Dépêche républicaine", de "L'Eclair comtois" et du "Petit Comtois".
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Topographie Duret. Plan complet du gouffre des Granges-Mathieu (parties connues à l'époque). Ce croquis reprend ceux des 23 et 26 mars 1916. Duret y a ajouté le passage supérieur aboutissant dans les voûtes de la galerie nord, itinéraire emprunté par Emile Andlauer, avant sa chute mortelle.
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