Spéléologie (1) | |
Vous êtes ici : Accueil | Divers | Langue | Définitions | Universalis | Spéléologie (1) | |
|
Extrait de l'Encyclopaedia Universalis
6, rubrique Spéléologie. |
|
Dans son acception courante, le mot spéléologie désigne les activités variées qui conditionnent ou accompagnent l'exploration des cavernes, en distinguant la spéléologie sportive, correspondant aux techniques de l'exploration des grottes, et la spéléologie scientifique, elle-même subdivisée en spéléologie physique, en biospéléologie, en archéologie souterraine... De telles distinctions ne sont nullement arbitraires, car, si les expéditions spéléologiques sont souvent réalisées par des bénévoles, la spéléologie n'est pas une activité d'esthètes. Alors que l'alpinisme, par exemple, tend à devenir un sport de compétition, la spéléologie conduit à mieux connaître plusieurs aspects scientifiques du monde souterrain des régions calcaires. Les spéléologues ne limitent pas leur exploration à la topographie des galeries et à ses éventuelles applications (aménagements hydrauliques, tels que la chute hydro-électrique alimentée par la rivière souterraine des Eaux-Chaudes, dans les Pyrénées centrales); ils communiquent aux spécialistes, géologues, préhistoriens, zoologistes, leurs observations, parfois exceptionnelles: peintures préhistoriques, présence de minerais, et ils guident sur place les chercheurs intéressés. Or le scientifique, même pour un examen sommaire, s'attarde, contrôle, a besoin d'appareils. Souvent, il faut aménager la cavité avant de pouvoir l'étudier. Pour une étude métallogénique, le Bureau de recherches géologiques et minières a creusé un puits artificiel donnant accès à la rivière souterraine de Malaval, sans avoir pour cela à remonter les cascades. Certaines grottes sont équipées d'échelles rigides conduisant aux appareils climatologiques ou hydrologiques mis en place. Enfin, il arrive que les biologistes montent de véritables laboratoires souterrains permettant l'étude directe de la faune dans des conditions proches de celles de leur milieu naturel (par exemple, en France, le Laboratoire souterrain de Moulis, dans l'Ariège, unité propre de recherche du C.N.R.S.). En contrepoint, il faut mentionner le cas de ces explorateurs trop pressés qui, ayant pénétré dans une cavité vierge, en piétinent débris archéologiques ou concrétions rares, ou encore la destruction de témoins irremplaçables, entraînée par les visites trop fréquentes de sites fragiles. L'un des rôles des associations spéléologiques est précisément de faire connaître à leurs membres les problèmes posés par la conservation des sites souterrains. 1. Techniques d'exploration souterraineObjectifsLes explorations se sont développées dès le XVIIIe siècle avec le mathématicien Nagel explorant, en 1748, la Macocha (136 m), ou J. L. Lloyd, en Grande-Bretagne, atteignant le fond de Eldon-Hole (60 m), en 1770. Ce que l'on pourrait appeler la spéléologie d'exploration stricto sensu, c'est-à-dire la recherche et la visite systématiques de toutes les cavités d'une région donnée, naquit en 1839 avec F. Lindner et I. Svetina qui, utilisant échelles et escaliers scellés sur paroi, visitèrent systématiquement tous les gouffres qui risquaient d'aboutir sur la rivière souterraine de la Recca, près de Trieste. A. Schmidl, dans la même région, explora, de 1849 à 1853, la Pivka souterraine (aujourd'hui en Slovénie). C'est E. A. Martel qui a mis l'exploration souterraine à la portée du grand public. Explorateur de grande classe, il parcourt le monde de 1888 à 1913. Visitant pour la première fois de nombreuses cavités, il réalise de belles découvertes, telles que l'aven Armand et le gouffre de Padirac, et fait connaître la spéléologie par une série d'ouvrages: Les Abîmes (1894), Irlande et cavernes anglaises (1897), L'Évolution souterraine (1908), Les Causses majeurs (1936). Avec Martel, la géographie découvre un domaine d'investigations dont l'étendue est comparable à celle qu'offrent déserts et montagnes. Dans l'Encyclopaedia figure un tableau intitulé "Développement des principaux systèmes souterrains du globe", par C. Chabert, UIS, 1984, non reproduit ici, car obsolète. Les activités spéléologiques sont interrompues par la Première Guerre mondiale. À partir de 1926, R. de Joly reprend l'exploration de la France souterraine. Il invente un matériel nouveau, ultra-léger, permettant à une petite équipe de réaliser une exploration importante. Il aura beaucoup de disciples, dont P. Chevalier, l'explorateur du trou du Glaz dans la Grande-Chartreuse (la plus profonde cavité connue en France en 1946), qui inventa le mât d'escalade. À partir de 1945, le nombre des spéléologues augmente rapidement, de même que celui des cavités explorées. En 1954, une équipe de Grenoble explore le gouffre Berger, dans le Vercors (record du monde de profondeur avec -900 m). Depuis cette date, la France garde le privilège de détenir sur son territoire le gouffre le plus profond du monde , le record se situant, en 1995, au gouffre Jean-Bernard (1 602 m) en Haute-Savoie. Après la Seconde Guerre mondiale, les spéléologues s'organisent dans le monde entier. En France, le Comité national de spéléologie, créé en 1948, s'est associé à la Société spéléologique de France pour former, en 1963, la Fédération française de spéléologie (F.F.S.) dont le nombre d'adhérents est passé de 1200, en 1964, à 12000, en 1994. Pour coordonner les activités, assurer l'encadrement des jeunes et maintenir l'essentiel d'une doctrine commune, plusieurs centaines de candidats participent chaque année aux stages organisés par l'École française de spéléologie dans le site de Font-d'Urle (Vercors). En raison des accidents fréquents, la F.F.S. a mis sur pied, en accord avec les pouvoirs publics, un plan de spéléo-secours grâce auquel il est possible d'acheminer en quelques heures les sauveteurs auprès d'un blessé avec le matériel nécessaire pour le ramener à l'extérieur dans les meilleures conditions. Avec une fortune diverse, beaucoup de pays suivent l'exemple français en ce domaine. La pratique de la spéléologie suppose la connaissance des techniques permettant de faire face à un certain nombre de difficultés ou de dangers. L'obscurité et le climat souterrain imposent un équipement spécial. Il faut prévoir le franchissement des verticales, des étroitures, de galeries noyées. Enfin, les grandes expéditions demandent une longue préparation et une organisation soignée. Conditions d'explorationÉquipement personnel L'obscurité du milieu souterrain requiert un éclairage sans défauts. La torche, la bougie étaient encore utilisées au début du XXe siècle. De nos jours, les spéléologues bien équipés emploient simultanément l'électricité et l'acétylène en éclairage frontal, ampoule et bec étant fixés sur le casque, pile et réservoir d'acétylène suspendus à la ceinture. L'électricité fournit un faisceau lumineux étroit mais portant à longue distance; la flamme alimentée par l'acétylène donne un éclairage d'ambiance. Le casque en matière plastique (modèle travaux publics) est indispensable, mais la nature du vêtement variera selon les circonstances. La progression dans l'eau impose le port d'une combinaison étanche, avec sous-vêtements en Rexotherm si la température est basse; autour du corps, une corde en huit, ou, mieux, un baudrier de grosse sangle, permet de se suspendre dans le vide. Exploration des cavités verticales Très souvent la caverne débute par une verticale; c'est le gouffre, trou à l'emporte-pièce ouvert sur le plateau et dominant une cavité profonde qui s'évase vers le bas. Tous les procédés possibles ont été essayés pour vaincre cet obstacle: échelle rigide, corde lisse ou à nouds, etc. Les échelles de corde étaient en usage dès le XVIIIe siècle. Martel, à la fin du XIXe, utilisait des échelles de puisatier et, par mesure de sécurité, s'attachait à l'extrémité d'une corde d'assurance, tenue en surface par cinq ou six manoeuvres. Ce matériel était extrêmement lourd; une échelle de Martel pesait un kilo par mètre. L'exploration était vite arrêtée dans une cavité où les verticales successives alternaient avec des galeries étroites. En 1930, de Joly fabrique et lance sur le marché les échelles légères qui portent son nom. Les montants sont en fin câble d'acier, les barreaux en alliage léger et de la largeur du pied; l'ensemble pèse moins de un kilo pour dix mètres. Dans l'Encyclopaedia figure un tableau intitulé "Les plus grandes verticales absolues en mètres dans le monde (d'après la F.F.S.)", non reproduit ici, car obsolète. Rapidement, les explorateurs se sont trouvés en présence de grandes verticales. L'emploi du treuil a permis de franchir cet obstacle. En 1947, le Spéléo-Club de Paris terminait ainsi l'exploration du gouffre de la Henne-Morte (Haute-Garonne). Des treuils à moteur furent construits pour vaincre les grands gouffres pyrénéens. Le premier puits de la Pierre-Saint-Martin (verticale de 330 m) et celui de la Coume-Ferrat (215 m) furent descendus par ce moyen. Mais un appareillage aussi important ne peut être utilisé qu'en surface. C'est pourquoi d'autres explorateurs ont cherché à remplacer les échelles par un matériel encore plus léger. Ce fut d'abord l'emploi de la corde de Nylon, imputrescible et très résistante, apparue après la Seconde Guerre mondiale, puis celui des descendeurs, accessoires qui, en assurant un frottement sur la corde, permettent une descente à vitesse contrôlée le long de celle-ci; enfin, l'utilisation des freins, ou bloqueurs, permet de progresser en montant le long d'une corde, mais ils se "bloquent" instantanément lorsque le mouvement s'effectue en sens inverse. Le Jumar, inventé par deux guides suisses, Jury et Marty, est un bloqueur en métal léger coulé. Ces instruments, judicieusement employés, ont augmenté la sécurité des échelles et permis surtout de descendre et de remonter des puits très profonds avec le simple secours d'une corde. Le puits le plus profond du monde, au Mexique, avec plus de 410 m de verticale, a été ainsi exploré "à la corde". Grâce à ces techniques nouvelles, un équipier entraîné met cinq ou six heures pour visiter une caverne qui exigeait une expédition de vingt-quatre à quarante-huit heures lorsqu'on utilisait des échelles. Cependant, l'emploi de ces techniques est délicat et nécessite un apprentissage. La suite d'une cavité se trouve parfois vers la voûte. L'escalade traditionnelle est souvent impraticable. Le mât doit alors être utilisé. L'équipe achemine à pied d'ouvre des éléments tubulaires de un à deux mètres de long sur cinq à dix centimètres de diamètre qui, assemblés, constituent un mât de dix à quinze mètres, à l'extrémité duquel une échelle est fixée. L'explorateur grimpe le long de cette échelle et cherche à prendre pied sur une corniche ou bien plante un piton. Il tire le mât jusqu'à lui et recommence l'opération. Des remontées de cent mètres et plus ont été ainsi réalisées. L'escalade artificielle, qui remplace les prises par des pitons enfoncés dans les fentes de la roche, a connu un renouveau avec le spit, outil qui fore dans la roche un trou dans lequel est bloquée une vis expansible. Il devient possible de s'élever, lentement, le long d'une paroi lisse. L'araignée, petit échafaudage portatif pouvant être boulonné sur un spit, permet de poser des vis très écartées les unes des autres, et donc de progresser plus vite. L'emploi simultané du mât, des spits et de l'araignée a rendu possibles de remarquables découvertes. Étroitures et désobstructions Lorsque la galerie se rétrécit au point d'interdire le passage, on peut toujours élargir le conduit avec un burin et un marteau ou, plus efficacement, à l'explosif, en particulier avec des charges creuses. De grands réseaux, à Trabuc (Gard), à Orgnac (Ardèche), ont été ainsi découverts. Ailleurs, le remplissage vient au contact de la voûte. Il est possible de rechercher, par terrassement dans l'argile ou les blocs, une caverne accessible. Mais certains déblaiements, en modifiant l'équilibre d'une voûte ou d'un éboulis, ont provoqué des accidents mortels. En outre, cette activité est suspecte au regard des préhistoriens, qui craignent de voir détruire ainsi des gisements uniques. Traversée des cavités noyées La visite d'une rivière souterraine s'effectue souvent sans peine en marchant dans l'eau ou, quand celle-ci est trop profonde, en utilisant un bateau gonflable, de modèle courant. Lorsqu'il s'agit d'un torrent souterrain, accidenté par des cascades ou des marmites de géant, la navigation est coupée d'acrobaties qui se terminent parfois dans l'eau. Lorsque la voûte plonge, il faut recourir à d'autres méthodes. Il est toujours possible de rechercher un passage latéral ou susjacent, et cette méthode a conduit à de belles découvertes, mais l'exploration directe des cavités noyées est maintenant couramment pratiquée par pompage ou plongée en scaphandre. Distinguons d'abord les voûtes mouillantes, parfois très longues mais peu profondes, et les réseaux noyés, descendant à plusieurs décamètres sous le niveau du plan d'eau. Dans le premier cas, on pompe et, si les moyens mis en ouvre suffisent, l'assèchement sera réalisé sur une distance plus ou moins grande, ce qui présente de nombreux avantages. La plongée en scaphandre autonome reste le seul moyen d'accès aux réseaux noyés profonds. Les plongées en caverne débutèrent vers 1950; elles ont à leur actif des réussites spectaculaires. La progression est alors limitée plus par le manque de temps ou le défaut d'envie d'aller plus loin que par de véritables impossibilités. La plongée en grotte demande des précautions particulières: tandis que l'accident de plongée sous-marine se termine habituellement par une remontée vers la surface, en caverne, dans les mêmes circonstances, le plongeur demeure prisonnier dans les replis de la voûte; il peut aussi s'égarer dans un labyrinthe. D'où la nécessité d'une technique parfaitement au point: doubles bouteilles indépendantes, fil directeur permettant de se guider dans les nuages de vase soulevés par les palmes, lestage suffisant pour demeurer loin de la voûte et de ses aspérités coupantes... Un danger nouveau est apparu. Au-delà d'une voûte mouillante, le plongeur court le risque d'émerger dans une cavité dont l'atmosphère est très confinée, voire irrespirable. Ces atmosphères à haute teneur en CO2 et basse teneur en O2 sont bien connues (cf. chap. 3), ainsi que les précautions à prendre lorsque la respiration devient difficile dans une grotte. Il n'en reste pas moins que le plongeur est particulièrement vulnérable en ce domaine. Organisation d'expéditionsLa plupart des grands réseaux offrant des possibilités de découvertes se situent en montagne ou dans des régions éloignées de l'Europe (Proche-Orient, Amérique du Sud), souvent les deux à la fois. L'organisateur de l'expédition doit d'abord résoudre tous les problèmes d'accès à la zone de travail envisagée. Les premières campagnes se ramènent à une prospection et à des reconnaissances sommaires. Plus ou moins vite, la découverte de cavités importantes oblige à concentrer les efforts sur une ou plusieurs cavités maîtresses. Il faut alors réunir le personnel nécessaire, des équipements suffisants, le ravitaillement. L'acheminement se fait en voiture, à dos d'homme ou de mulet, voire en hélicoptère. Un programme très précis doit être établi. Arrivées à pied d'ouvre, les équipes pénètrent les unes derrière les autres dans la cavité pour transporter les sacs et équiper les passages délicats. En raison de la longueur des parcours, il faut prévoir des camps ou des bivouacs souterrains et repérer éventuellement les refuges utilisables en cas de crue. Derrière l'équipe de pointe, qui effectue la reconnaissance des galeries vierges, viennent d'autres équipes qui observent, photographient, filment et surtout établissent la topographie. Les problèmes de sécurité doivent être considérés attentivement. Il est des réseaux, grands et petits, d'où il serait impossible d'extraire un blessé. La première mesure consiste à multiplier les précautions techniques limitant les risques: pose de mains courantes ou de dispositifs d'assurance dans les passages délicats, alimentation destinée à lutter contre la fatigue. Il faut ensuite prévoir les dispositions à prendre en cas d'accident, ce dernier imposant toujours des opérations complexes, difficiles à improviser. Dans tous les cas, il est nécessaire d'établir des moyens de liaison. Chaque fois que cela est possible, les équipes d'aménagement déroulent un fil téléphonique établissant une communication avec l'extérieur. L'utilisation de la radio serait très commode; malheureusement, l'expérience montre que les ondes courtes, seules utilisables, passent très difficilement à travers un massif rocheux fissuré. |
|
|