Papy raconte... 1966
  Vous êtes ici : Accueil | Divers  | Papy raconte | 1966
   
   
 

Papy

Aujourd'hui, nous parlerons de 1966. Quatre phénomènes marquants pour cette année: la tenue du Congrès ASE dans le département, quelques découvertes dignes d ' intérêt, le grand nombre d'accidents survenus en France, et la multiplication des expériences de survie.

De plus, signalons que l'auteur de ces lignes (J.C. Frachon) avait le plaisir de défendre nos frontières, dans un bel uniforme fourni par l'Etat, depuis septembre 1965... Par bonheur, il fut muté à l'Ecole Militaire Préparatoire d'Aix-en-Provence, pour faire fonction de surveillant d'internat et y encadrer les activités spéléo : d'autres prendront plus tard la relève, comme "La Rouille" ou François Jacquier. Mais ceci est une autre histoire...

Revenons à notre propos. En 1966, il fut décidé de tenir le Congrès annuel de l'Association Spéléologique de l'Est dans le Jura, à Poligny. Je fus chargé d'en diriger l'organisation, avec l'aide de mon club (S.C. du Jura) et du Groupe Spéléo du Doubs. Le 23 février, nous tenons une conférence remarquée au Théâtre de Poligny, pour sensibiliser les autochtones. Interviendront , sous ma direction, Annie Delingette, de Dijon, sur la karstologie, Roger Sattonnet, de Dole, sur la biospéologie, Pierre Pétrequin, de Besançon, sur l'archéologie, et R. Mauer, de Besançon, sur l'exploration souterraine. Puis le congrès lui-même se déroula du 28 au 30 mai : 208 participants, représentant 34 clubs de Franche-Comté, Alsace, Bourgogne, Suisse, Belgique et Allemagne. Des conférences, des projections de films et diapos, un exercice de sauvetage en falaise (par le S.C.Dijon), et une visite collective de la Rivière de la Baume ont copieusement rempli ces journées. Sans parler des bouffes chez "le Bill", à l'Auberge de la Vallée Heureuse. Et c'est, je crois, la première fois que je rencontrais les spéléos polinois, pas encore structurés en club; et la dernière fois que je suis allé sous terre avec le Père Colin, de St-Claude...

Un compte-rendu de ce congrès (41 p.) peut être obtenu gratuitement auprès de J.C. Frachon.

1966 fut aussi l'année de la découverte du gouffre de Baumain (Molain), après désobstruction au bas du puits d'entrée, par la famille Meyer et P. Murat (13 novembre). Découverte, aussi, des premières centaines de mètres à la Borne aux Cassots (Nevy), par le G.S. Jurassien qui déblayait l'éboulis depuis deux ans. Découverte enfin de plusieurs centaines de mètres de galeries, après le franchissement de 2 siphons à la Baume de Gonvillars (Haute-Saône), par l'équipe de P. Pétrequin. C'est la première exploration post-siphon dans la région, et une des plus importantes de France à l'époque: ce fut le début des campagnes de plongée systématique des siphons franc-comtois par les compères Pétrequin, Urlacher, Frachon, Aucant puis quelques autres...

Autre caractéristique de cette année 1966 : un nombre record d'accidents. Nous n'en citerons que quelques-uns, à commencer par la mort de l'Arboisien M. Contet au Gouffre de Vaux (Nans-sous-Ste-Anne, Doubs), après 30 m de chute dans le puits d'entrée, le 30 janvier. Il avait voulu détacher sa corde d'assurance emmêlée dans l'échelle... Evacuation par les clubs de Salins et Lons. En août, au gouffre du Cyclope (Longeville, Doubs), J.M. Roche reste coincé pendant 4 h sur sa corde d'assurance, à mi-puits, à la suite d'une fausse manoeuvre. Sauvetage par le G.S. du Doubs.

Mentionnons deux autres accidents dont les victimes ne sont pas des inconnus. La chute d'O. Kergomar à la grotte de Verdus (Ardèche), ayant provoqué une fracture de la colonne vertébrale. Olivier sera plus tard médecin au SAMU de Grenoble, après avoir fait ses études au lycée de Lons-le-Saunier, et interviendra dans de nombreux sauvetages spéléos en France. Et la chute restée célèbre de M. Letrône dans les falaises dominant le porche de Goule Noire (gorges de la Bourne ,Vercors) : une glissade, plus de 30 m de vol plané, un coma et des contusions multiples... Cela ne l'empêchera pas de fonder et de diriger ensuite l'Ecole Française de Spéléologie...

Terminons cette rubrique avec deux accidents hors-série : à Roncabello, en Italie, une crue bloque 4 spéléos à -300 pendant 5 jours, puis les 20 sauveteurs sont également victimes d'une nouvelle crue. Bilan 1 mort et 1 blessé. Et je ne résiste pas à l'envie de donner in-extenso le texte paru dans Spelunca n°4-1966, p.305 :

    Accident hors série aux U.S.A.

    La grotte d'Howard, près Trenton (Géorgie) sert à l'initiation des néophytes. Le 16 avril 1966, un groupe de 8 scouts et 2 chefs arrive près de l'une des sorties de la grotte, lorsque la lampe à acétylène de l'un d'eux provoque tout à coup une violente explosion. Dans une nappe de CO, un chef et 4 scouts réussissent à ramper jusqu'à la sortie avec le blessé, brûlé à 20 %. Les autres, groupés sur une corniche où les gaz sont moins denses, perdent et reprennent alternativement connaissance jusqu'à leur sauvetage, une quinzaine d'heures plus tard; leur chef finit par se tuer accidentellement. Deux des premiers sauveteurs alertés sont asphyxiés dès l'entrée. Opérations de sauvetage très longues et délicates.

    Causes de l'accident : infiltration dans la grotte de 800 litres environ d'essence, provenant d'une fuite dans les réservoirs de la station-service sus-jacente.

Dernier volet de notre survol de cette année 1966 : la "spéléonautomanie".  M. Siffre continue à faire des émules, et les "spéléonautes" se multiplient. Une remarque en passant: à l'époque le spéléonaute était l'individu fortuné (ou fauché, c'est selon) qui pouvait consacrer 3 ou 4 mois de son existence à camper sous terre, pour étudier son rythme de sommeil. Aujourd'hui,  le même vocable désigne le plongeur de siphons...

Pour ne citer qu'eux, mentionnons l'anglais D. Lafferty qui battit le "record" de M. Siffre (126 jours) en restant 130 jour sous terre. ..Record battu peu après par notre ami J.P. Mairetet avec 182 jours. Et aussi la mignonne Emmanuelle Chamerois qui dut abandonner au bout de 20 jours, s'étant fait une entorse...

Fin 1966, il ne me restait que quelques mois à servir la Patrie. L'année 1967 commençait avec la parution longtemps attendue de l'Inventaire spéléo du Jura (BRGM) du père Colin... Mais je vous raconterai ça dans deux mois.