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Ovide : Métamorphoses (I, 689-746)

Sur les monts glacés de l'Arcadie, une naïade célèbre était devenue la compagne des Harnadryades de Nonacris : ces nymphes l'appelaient Syrinx. Plus d'une fois elle avait échappé aux poursuites des satyres et des autres dieux qui habitent les bois touffus ou les campagnes fertiles de cette contrée. Vouée au culte de la déesse d'Ortygie et par ses goûts et par sa chasteté, vêtue comme elle, les yeux trompés l'auraient prise pour la fille de Latone, si son arc d'ivoire eût été d'or comme celui de la déesse ; et cependant on s'y méprenait encore. Un jour qu'elle revenait du mont Lycée, le dieu Pan, qui hérisse sa tête de couronnes de pin, l'aperçut et lui adressa ces paroles. Mercure allait les rapporter; il allait dire comment la nymphe, insensible à ses prières, avait fui par des sentiers mal frayés jusqu'aux rives sablonneuses du paisible Ladon ; comment alors, arrêtée dans sa course par les eaux du fleuve, elle avait conjuré les naïades, ses soeurs, de la sauver par une métamorphose ; comment le dieu, croyant déjà saisir la nymphe, au lieu du corps de Syrinx n'embrassa que des roseaux ; comment ces roseaux qu'il enflait, en soupirant, du souffle de son haleine, rendirent un son léger, semblable à une voix plaintive ; comment, charmé du nouvel instrument et de sa douce harmonie, il s'écria : "Je conserverai du moins ce moyen de m'entretenir avec toi" ; comment enfin, unissant avec de la cire des roseaux d'inégale grandeur, il en forma l'instrument qui porta le nom de la nymphe