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Peintre et
spéléologue, Jean Truel se situe dans un
ailleurs de l'expression de la Nature ; sous terre, il
introduit la lumière de ses couleurs sur ses tableaux
de chevalet. Le Larzac lui offre son immensité
minérale pour y construire un labyrinthe des ombres
souterraines portées à l'incandescence solaire
sur un cheminement de grandes plaques de fibrociment ; son
espace pictural est la nature même qui intègre
l'oeuvre multiple comme si elle était sienne.
Il y a chez Jean Truel quelque chose de magdalénien
le reliant par son art aux grands artistes de la
préhistoire. Comme eux, il se lie à la terre,
à la caverne qui les délie du quotidien
anecdotique pour leur insuffler davantage de vie,
fondamentale ; la roche est son support à l'air libre
comme la paroi souterraine fut celui des couleurs et des
formes humaines animales, des signes abstraits, il y a plus
de douze millénaires. L'art pariétal des
cavernes paléolithiques se déploie dans le
temps et l'espace ; il enveloppe progressivement la
mémoire de celui qui pénètre pour faire
surgir toute son éclatante beauté
bordée des ténèbres souterraines de
pensées et des rêves. L'itinéraire
souterrain est celui de l'âme qui s'égare dans
l'obscurité totale pour renaître dans l'oeuvre
picturale ; l'oeuvre de J. Truel n'est ni figurative, ni
abstraite, mais signe d'une réconciliation de l'homme
avec son espace ; son cheminement pictural sur le Larzac
impose au regard de se déplacer et au corps de se
mouvoir comme dans un parcours initiatique ; l'oeuvre est
inaccessible d'un seul point de vue : elle intègre le
mouvement ; elle est du temps projeté dans la nature,
une invitation à l'infini.
Denis
Vialou
Sous-Directeur au Muséum National d'Histoire
Naturelle, Paris
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