Dans les grottes sans fin brillent les Stalactites.
Du cyprès gigantesque aux fleurs les plus
petites, Un clair jardin s'accroche au rocher
spongieux, Lys de glace, roseaux, lianes, clématites.
Des thyrses pâlissants, bouquets prestigieux, Naissent,
et leur éclat mystique divinise Des villes
de féerie au vol prodigieux.
Voici les Alhambras où Grenade éternise Le
trèfle pur; voici les palais aux plafonds En
feu, d'où pendent clairs les lustres de Venise.
Transparents et pensifs, de grands sphinx, des
griffons Projettent des regards longs et mélancoliques Sur
des Dieux monstrueux aux costumes bouffons.
Dans un tendre cristal aux reflets métalliques S'élancent,
dessinant le rythme essentiel, Vos clochetons
à jour, ô sveltes basiliques,
Et sous l'arbre sanglant et providentiel De
la croix, sont éclos, enamourés des
mythes, Les vitraux où revit tout le peuple
du ciel.
Stalactites tombant des voûtes, stalagmites Montant
du sol, partout les orgueilleux glaçons Argentent
de splendeurs l'horizon sans limites.
Babels de diamants où courent des frissons, Colonnes
à des Dieux inconnus dédiées, Souterrains
éblouis, miraculeux buissons,
Tout frémit : cent lueurs baignent, irradiées, Les
coupoles qui sont pareilles à des cieux. Pourtant
c'est le destin, voûtes incendiées!
Le voyageur, ravi dans ce lieu précieux Et
sachant qu'une Nymphe auguste est son hôtesse, Parfois
sur vos trésors lève un oeil soucieux.
Quel trouble appesanti sur leur délicatesse Pare
de la langueur mourante du sommeil Ces merveilles
du rêve, et d'où vient leur tristesse?
Hélas! l'ardent soleil de Dieu,
le vrai soleil Ne les éclaire pas de son
regard propice Et fait voler plus haut ses flèches
d'or vermeil.
Sous un mont que jamais le lierre ne tapisse, Vit
cet enchantement qui tremble au son du cor, Gardé
par la caverne et par le précipice.
Mais (chère nymphe, ô Muse inassouvie
encor, Que devance le choeur ailé des
Métaphores), Pour installer ce rare et
flamboyant décor,
Sous ces blancs chapiteaux et ces arceaux sonores Où
les métaux ont mis leur charme et leurs poisons, Il
a fallu les pleurs des Soirs et des Aurores.
Car, toi pour qui le roc orna ces floraisons De
rose, de safran et d'azur constellées, Tu
le sais, Poésie, ange de nos raisons,
Ces caprices divins sont des larmes gelées!
Décembre 1846.
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