Olivier DECK
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Deck

Né à Pau en 1962, Olivier Deck se consacre à la musique, la peinture, la tauromachie, et écrit chansons, poèmes et romans.
 Il a pratiqué la spéléologie dans les Pyrénées pendant de nombreuses années.

Quelques-unes de ses oeuvres :
*
Emportés par le siècle, Séguier, 1999 (nouvelles)
*
L'ours et le pommier de Jeanne, Atlantica, 1999 (conte)
*
Discours de la taverne, Séguier, 2000 (poésie)
*
Quel temps fait-il au Caplan?, Caplan & Co, photographies de Pierre Le Gall , 2001
*
Cancans, éditions du Rocher, 2001 (roman)

On trouvera ci-contre un poème extrait de
son
site web.

 

Homme-paysage


Je veux prêter ma voix au paysage:
qu'elle soit limpide et franche
(un lac)
le rire infantile
d'un ruisseau d'altitude
grondement
du torrent dans les gorges.

Prêter mes mots
aux brumes du soir
les plus ténus,
les plus feutrés.
Mon poème sera cela :
la voix du paysage.
Des sources papoteront
dans ma gorge,
des oiseaux se chamailleront
sous ma langue
des fougères feuleront
entre mes dents
et dans mon dernier souffle
chantera encore
une brise de soir d'été.
Je sèmerai du verbe
aux quatre coins du monde
et je retournerai
les parcelles en friche
pour y faire pousser
une vigne insolite
dont le vin roulera
dans les bouches
comme une musique.

Je chanterai le réséda
né d'une perle d'eau
dans la nuit du désert.

Je chanterai la neige
renonçant à l'été.

Je chanterai les feuillages
renonçant à l'hiver,
et les bourgeons, aussi,
les ronces, l'iris sauvage,
et le moindre caillou
et les pics
et les plaines inertes.
Je dirai l'homme-arbre
aux pieds enracinés,
bras-ramures,

je dirai l'homme-poisson
l'homme-oiseau
l'homme-terre
Ma poitrine
est une montagne
où résonnent
les interstices du karst
gueulant les crues printanières.

Ma poitrine est une caverne
où se cache la nuit

Les rapaces y poussent
des cris déchirants
kyrielles de grenouilles
s'y interpellent.

Ma poitrine est une caverne
où résonne l'orage.
Droit devant moi,
mon nez creuse un sillon
où je m'écoule,
comme un fleuve sans pente
trouve une rigole
qui conduit à la mer.

Je veux,
par les racines de ma langue
aller puiser au fond du sol,
dans la fêlure des roches,
les mots qui manquent,
les mots oubliés,
le chant tu de la Terre,
ses souvenirs d'étoile.

J'avais le regard vierge
et la mémoire vide.
Je venais de naître
portant
sur mon visage,
sur mes mains,
sur ma peau,
les stigmates de mon histoire.

J'avais le regard vierge
et je venais de naître.

Et j'ai ouvert les yeux
J'ai ouvert mes poumons
pour découvrir le monde
j'ai respiré, écouté,
touché du bout des doigts
ce qui était à ma portée.

Je n'ai jamais pensé
qu'il fallait repartir
j'avais perdu mes ailes
mais je savais marcher.

Alors j'ai pris la route
j'ai foulé la poussière
j'ai sué sur les pentes
de monts inaccessibles
j'ai usé tous les caps
j'ai maudit ma boussole
j'ai marché sans relâche
jusqu'à me trouver là,
assis,
regardant le soleil
sombrer dans l'Atlantique.