Jean GRAVEN
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Ce poème évoque la légende de Frisette, concernant la grotte aménagée des Fées, à St-Maurice, dans le Valais suisse.

Graven

Il est tiré de La grotte aux Fées de St-Maurice : sa légende, son histoire, par G.-A. Gielly (texte de 1865) et Jean Graven, poète, Editions à la Carte, 2002, 152 p. (reprise augmentée d'une publication de 1865).

Il nous a été communiqué par notre ami
Jean-Marc Mattlet.

 

La voix du poète


La grotte au fond de la roche mystérieuse
S'ouvre au bout du couloir comme une sombre fleur.
Sur le miroir uni des eaux silencieuses
L'eau des voûtes s'élance et crie en mille pleurs.
L'écho se répercute au cour d'obscurs dédales
D'où vient dans la fraîcheur comme une ancienne voix,
Murmure encor flottant issu de lèvres pâles
Des lèvres de la fée ici reine autrefois.

Blonde et bonne, Frisette en ces lieux était fée,
Son sourire était comme un rayon matinal,
Elle allait d'air vêtue et de soleil coiffée,
Écartant de sa main les puissances du mal
Sans s'alarmer du vol, parmi le ciel tranquille,
De la grondante voix chrétienne du clocher.
Elle demeurait là, et veillait sur la ville,
Sur la ville abbatiale au pied de son rocher.

Un jour, les éboulis emportant son repaire
Aux sauvages parois des Diablerets voisins
Où luttent les diablats et siffle la vipère,
Tordant ses cheveux noirs, sa voisine s'en vint
Au creux de roc et d'eau lui demander asile.
Frisette en son palais souterrain l'accueillit,
Et gardant l'eau du lac, lui donna domicile
Sous la voûte sonore où la source jaillit.

Dans son domaine humide où la cascade chante,
En jurant de ne nuire à nul dans la cité
Eut loisir de rester la fée noire et méchante
Tant qu'elle n'aurait pas commis méchanceté.
Mais un jour que jouaient sur la berge du Rhône
Les deux enfants chéris accourus du château,
Sous les traits d'une vieille implorante d'aumônes
Elle approcha sournoise et les fit choir à l'eau.

Du rocheux belvédère ayant suivi le drame
Frisette au manteau d'air accourt en un clin d'oil,
Apparaît aux enfants ainsi que Notre-Dame,
Sauve leur corps de peine et leur esprit de deuil,
Et frappant la méchante en levant sa baguette
Elle la précipite aux rauques tourbillons,
Tandis que chante mieux au buisson la fauvette
Et plus joyeux au pré l'invisible grillon.

Mais la fée a brisé sa baguette enchantée,
Et d'avoir vu la haine et senti le chagrin
Le cour à jamais triste elle fuit la contrée
Et va chercher refuge aux antres sous-marins:
La grotte dans le roc reste vide et déserte
Et la cascade en pleurs qui tombe au miroir d'eau,
Gardant goût de la fée et douleur de sa perte
Dans l'ombre se lamente et se souvient tout haut.