La grotte au fond de la roche mystérieuse S'ouvre
au bout du couloir comme une sombre fleur. Sur
le miroir uni des eaux silencieuses L'eau des
voûtes s'élance et crie en mille pleurs. L'écho
se répercute au cour d'obscurs dédales D'où
vient dans la fraîcheur comme une ancienne
voix, Murmure encor flottant issu de lèvres
pâles Des lèvres de la fée
ici reine autrefois.
Blonde et bonne, Frisette en ces lieux était
fée, Son sourire était comme un
rayon matinal, Elle allait d'air vêtue
et de soleil coiffée, Écartant
de sa main les puissances du mal Sans s'alarmer
du vol, parmi le ciel tranquille, De la grondante
voix chrétienne du clocher. Elle demeurait
là, et veillait sur la ville, Sur la ville
abbatiale au pied de son rocher.
Un jour, les éboulis emportant son repaire Aux
sauvages parois des Diablerets voisins Où
luttent les diablats et siffle la vipère, Tordant
ses cheveux noirs, sa voisine s'en vint Au creux
de roc et d'eau lui demander asile. Frisette
en son palais souterrain l'accueillit, Et gardant
l'eau du lac, lui donna domicile Sous la voûte
sonore où la source jaillit.
Dans son domaine humide où la cascade
chante, En jurant de ne nuire à nul dans
la cité Eut loisir de rester la fée
noire et méchante Tant qu'elle n'aurait
pas commis méchanceté. Mais un
jour que jouaient sur la berge du Rhône Les
deux enfants chéris accourus du château, Sous
les traits d'une vieille implorante d'aumônes Elle
approcha sournoise et les fit choir à l'eau.
Du rocheux belvédère ayant suivi
le drame Frisette au manteau d'air accourt en
un clin d'oil, Apparaît aux enfants ainsi
que Notre-Dame, Sauve leur corps de peine et
leur esprit de deuil, Et frappant la méchante
en levant sa baguette Elle la précipite
aux rauques tourbillons, Tandis que chante mieux
au buisson la fauvette Et plus joyeux au pré
l'invisible grillon.
Mais la fée a brisé sa baguette
enchantée, Et d'avoir vu la haine et senti
le chagrin Le cour à jamais triste elle
fuit la contrée Et va chercher refuge
aux antres sous-marins: La grotte dans le roc
reste vide et déserte Et la cascade en
pleurs qui tombe au miroir d'eau, Gardant goût
de la fée et douleur de sa perte Dans
l'ombre se lamente et se souvient tout haut.
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