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Je lance mon cri dans l'obscur, un cri, une sonde. Ce
cri, fuyant oiseau de nuit, Plonge, revient:
j'entre après lui Dans un autre monde. Tout
y est vaste, tout y résonne, Invisible
ciel que la terre emprisonne, Nudité.
Comme
en ton âme sombre aux sourdes sonorités, Comme
en la mienne peuplée d'une ténèbres
active Dont Dieu seul sait quelles sont les sources
et les rives, Par des chemins courbes, des paliers
glacés, Je vais, superbe et menacé. J'élève
ma lampe, et j'aperçois, Brillant à
la voûte où tremble ma voix, Des
aiguilles de calcite, Secrètes concrétions,
dénouement insolite, Tels qu'ils s'en
forme au fond de soi, En ces chambres où
nul n'a droit de viol, Sion l'unique, la pure,
l'inconnue. Je baisse les yeux, vois, par une
fissure du sol, Couler un flot d'eau lente et
continue.
Dans une vasque où tombent
les gouttes Tourne, perle des cavernes, La
pâle pisolithe; et j'écoute. J'écoute
grandir l'imputrescible pois. Parmi nous quel
Averne, Et cet effort qui veut qu'au brassage
de l'eau Blanchisse le noyau ! Ardente beauté
des phénomènes froids, Contentement
d'un esprit que le précis délasse, Huppes,
tulipes, palmettes, volutes de glace : Tout est
plaisir, péril de somnambule. Retenons
le cri mortel, le cri coupant; Que seul notre
souffle, cette peau de serpent, S'accroche, léger,
au flanc des vestibules !
Torches de l'âme,
proches vertus, Eclairez ces hauteurs où
l'appel s'est perdu. Je resterai, frêle
écho, dans la salle du trône, Les
cinq sens en croix. Ma reine est pauvre. Je suis
son roi, Et je n'ai pour aumône Que
ce grain né de la chute des larmes, Principe
d'un amour qui trouve en son alarme Le cycle
dont il croît.
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