Poèmes de Jean Colin
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Cavernes, ma vie!

Seul, bien seul dans le noir, loin du bruit inutile,
Sous le plafond rugueux d'un vaste souterrain,
Je vis enfin... Pourtant, je suis un pauvre nain
Dans l'obscurité froide, où tout paraît hostile.

Tout pourrait me tuer: l'effondrement soudain
De rochers dont, souvent, l'équilibre est fragile,
Une crue de l'eau verte, un geste malhabile,
Un manque de lumière ou un pas incertain.

Pourtant, je suis heureux. Ici, je peux rêver,
Chanter, être joyeux, sans faire se lever
Les regards effarés d'une foule asservie.

Seul dans le grand silence et dans l'obscurité,
Je réalise, enfin, ce qu'est la Liberté
Disparue de la terre... O, Cavernes, ma vie... !

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Le gouffre

Le gouffre est devant eux, moussu, noir et hostile
Grimace énigmatique au seuil de la forêt.
L'équipe, sur son bord, observe un temps d'arrêt,
Car l'exploration ne semble pas facile.

Bien loin, en contrebas, sur la roche stérile,
Un filet d'eau s'écoule avec un chant discret.
C'est l'invitation à violer le secret
Du temple édifié dans la roche et l'argile.

Un des hommes soulève au dessus de sa tête
Un lourd pavé, qu'il lance au delà de l'arête.
Le bloc siffle, vrombit, claque sur la paroi,

Touche un palier, après des rebonds formidables...
L'équipe, cependant, n'en ressent nul effroi,
Et déroule une échelle aux courts barreaux instables.

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Torrent souterrain

Une rumeur confuse et des sons de métal,
Des coups sourds, propagés de couloir en couloir,
Animent de très loin l'antre monumental.
Nous t'entendons gronder, bien avant de te voir,

Fier torrent de la nuit, gai, sinistre ou brutal,
Lorsque nous parvenons au bord de l'entonnoir
Où se perd, dans la nuit, ton onde de cristal
Un gargouillement rauque appelle au désespoir.

Plus loin, comme un serpent aux écailles luisantes,
Tu glisses, onduleux, au fond des diaclases,
Sans bruit... sournois... joli. Lorsque tes eaux puissantes

Attaquent de plein fouet, et en sapant les bases,
Le rocher dédaigneux qui résiste à leur dard,
Tu rejaillis, en un somptueux étendard.

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Descente

Dévissant le pointeau de sa lampe à carbure,
Le premier de cordée allume son fanal,
S'attache un long filin autour de la ceinture,
Puis empoigne l'échelle, et donne le signal

A l'ami dévoué qui, du sommet assure
Sa prudente descente au royaume infernal,
La pénombre succède au soleil matinal
Et c'est la grande nuit, après une étroiture.

L'orifice du puits s'élève lentement,
Va se rétrécissant, et devient une étoile.
Une cascade choit sur les habits de toile...

Montant du fond de l'ombre, un amoncellement
De blocs enchevêtrés se dessine, par place.
Un long coup de sifflet monte vers la surface.

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Soir de conquête

La caverne a cédé son dernier bastion.
Chaque spéléo compte, après cette bataille,
A sa combinaison, quelque nouvelle entaille.
La fatigue succède à l'excitation...

Le jour a terminé sa révolution.
A bout de carburant, une lampe défaille.
Affalés sous le porche, au pied de la muraille
Des hommes somnolents goûtent l'inaction.

Sur l'aile du vent chaud, qui les caresse et fuit,
Vient la grisante odeur de l'herbe ensommeillée,
Chassant l'âcre senteur de l'argile mouillée.

Cependant que chacun revit le rude assaut,
Très bas sur l'horizon, dans un dernier sursaut,
Le soleil déclinant ensanglante la nuit...

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Salle terminale

De diaclase en joint, partout il est passé.
Un ténébreux siphon l'appelle à la décence.
La grotte oppose là son ultime défense,
Après l'argile humide ou le sable entassé.

Au bout de l'antre obscur, à la roche adossé,
Il écoute, muet, dans le profond silence,
Les gouttes qui, suivant une lente cadence,
Sonnent un carillon, pour leur ami lassé.

Hélas! Il faut aller retrouver des humains
Que la sage lenteur, par dessus tout, irrite,
Dans leur ambition d'aller toujours plus vite...

Obsession morbide, et qui paraît petite
A celui qui, rêvant en ce sauvage site,
Fait provision de paix... pour d'âpres lendemain... !

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