André MIQUEL
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 Dans l'arrière pays héraultais, la vallée de la Buèges est un lieu magnifique, frontière entre le massif de la Séranne, haut de près de 1000 m, et le causse, au-delà duquel s'étend Saint-Martin de Londres. Au centre se trouve le village de Saint-Jean de Buèges et, plus loin, après la source de la Buèges, celui de Pégairolles de Buèges.

 Ce poème est extrait de Beau calcaire, notre mémoire (Domens, Pézenas, 2000).

 

 

Vallée de la Buèges


Nous avons hérité du livre où se contait,
Moitié à pas forcés et moitié en prières,
 La destinée d'un fou errant, qui s'entêtait
A découvrir, premier de tous, le sang des pierres.

La fin se devinait, nous la savions par coeur :
Il mourut sans réponse à sa quête furieuse.
Mais nous, pris ce jour-là par quelque astre rôdeur,
Vîmes les mots briller comme autant de veilleuses.

Le livre refermé, un point luisait toujours :
Le fou nous commandait de reprendre sa route.
Dociles, nous allons, en avant, à rebours,
Sur ce même chemin où le vent nous envoûte.

Nous avons questionné toute l'eau des grands arbres,
La source où la calcite illuminait nos doigts,
Le secret qui coulait dans les veines du marbre
Et la feuille repue, quand septembre décroît.

Le temps vint où nos yeux refusèrent l'exil,
Où l'astre se posa sur un seuil immobile
Au tréfonds du pays qui bat, jusqu'en nos cils,
D'un rêve souterrain la mesure tranquille.

Depuis, nous avons lu une infinité d'ombre
Dont la chair par instants se trouait de cristaux,
Les âges ont perdu et leurs noms et leurs nombres
Dans la grotte où la nuit bâtissait nos châteaux.

Du vieux fou nous avons oublié l'aventure
Et pourtant, comme lui, quelquefois entrevu
La raison d'une terre où nous avons reçu,
D'eau ou de sang, qui sait, la même investiture.