Le gouffre de la Pierre-Saint-Martin
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Ce récit de Robert Mauer consacré à l'expédition de 1960 a été publié dans Nos Cavernes, bulletin du Groupe Spéléologique du Doubs, n°17-1999, pages 115-124.
Nous le reproduisons ici avec son accord.

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Un récit d'exploration inédit à la Pierre Saint-Martin
par Robert Mauer

Six ans se sont écoulés depuis la dernière descente.

Les puissantes divinités fastes et néfastes qui président maintenant aux expéditions dans ce gouffre fameux ont atteint momentanément une phase d'équilibre.

L'espoir d'une exploitation du torrent souterrain d'une part, le bon vouloir des autorités espagnoles d'autre part ont coïncidé et toute l'équipe se retrouve là haut avec émotion.

L'ascension du col est largement facilitée par la route dont les travaux de construction avancent à grande vitesse. Désormais, moins de deux kilomètres nous séparent du gouffre. Cette phase réduite de l'approche n'est plus qu'une promenade à travers l'un des plus étonnants paysages français.

Devant le Maître trou, je découvre Casteret, examinant d'un oeil curieux le treuil, opulente mécanique de laquelle émane un agréable parfum de complète sécurité. Poignées de mains, retrouvailles et :
" Venez voir en bas", me dit Casteret. J'ai bien remarqué, au fond de la doline, en lieu et place des orifices jumeaux qu'on pouvait voir là l'année dernière, une sorte de porte de grange fourrée de madriers et de planches, mais ce que je découvre là en bas "m'en bouche une surface". L'énorme pilier rocheux qui subsistait entre l'ancien méat et le second orifice ouvert durant l'hiver 1958-1959, à quelques mètres plus à gauche, a été littéralement extrait et, dans le portique ainsi ménagé où passerait maintenant un wagon de chemin de fer, des étais soutiennent la voûte pourrie minée de cheminées et de fissures. En contrebas, une échelle conduit à un grand plancher de bois où je m'aventure avec circonspection.
-"Vous pouvez y aller, c'est solide" et Casteret saute délibérément à mes côtés, éveillant une sourde rumeur.

A l'extrémité de cette plate-forme, établie dans le gouffre même, six mètres plus bas que l'ancien orifice de descente: une trappe fermée.
Casteret lève le panneau.
-"Beau travail, n'est-ce-pas".

Le puits est là, noir, sinistre, 340 mètres de vide, un rayon de soleil oblique lèche les parois, perspective inédite ici. Je peux voir maintenant les énormes poutrelles métalliques scellées dans les parois, qui supportent cette plate-forme, elle--même à double épaisseur.

Beau travail en effet et comme tout cela fait "confortable" !
Casteret  se redresse : -"Vous vous souvenez du marchepied de -4 ?"...
-4 c'est le petit arrêt, immédiatement sous l'orifice où l'on recevait naguère ses bagages pour la descente.
-"le voici".

Au milieu de la paroi striée de rainures profondes par le passage du câble, je retrouve, en effet, désaffectée, la marche étroite de l'époque héroïque qui n'est plus maintenant qu'une vulgaire étagère, en plein soleil.

-"Nous gagnerons plusieurs mètres sur l'aplomb du puits et il est probable que l'atterrissage de -80 se fera tout près de la lèvre de la plate-forme, de cette manière, une grande partie des frottements entre la surface et -80 se trouvera éliminée, mais, ajoute Casteret, il faudra avant tout nettoyer le puits de tous les éboulis accumulés depuis six ans qui doivent eux-mêmes disparaître sous les blocs précipités pendant les travaux de l'orifice. Cela représente un rude travail en perspective, peut-être bien deux jours dans le puits, pour ceux qui s'en chargeront."
 

 

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