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(suite du récit de Robert Mauer)
Au treuil, la macro-faune habituelle, véritable association
pariétale se trouve parquée sur quelques mètres
carrés. Il y a là l'axe indispensable de toute
expédition à la P.S.M., Queffelec soi-même,
en jaune canari, haut en couleur et plus encore en verbe, qui
règne libéralement sur une tribu de "macarons
verts" chasseurs de goupilles et empileurs d'ohms. Équipe
héroïque, payant lourdement de sa personne et enchaînée
sur place par une responsabilité quasi constante. Il
y a aussi les quelques carabiniers nécessaires à
la couleur locale, toute la presse dotée cette année
de ravissants macarons bleus et le petit contingent habituel
de touristes. Autour du treuil, Lagrave, Delteil et M. Lonne-Perret,
le dynamique maire d'Arette, tandis que Bidegain et Lépineux
sont me dit-on en pleine exploration du marabout, qui abrite
là-haut, près des Cayolars, le matériel
de l'expédition.
J'avise également un peu partout, des êtres
inconnus qui à première vue pourraient être
des touristes mais que leur manière d'itinérer
à travers les rochers reclassent vite à leur vraie
place: ce sont nos collègues espagnols que je distingue
bientôt, différemment macaronnés et tout
enluminés de plaques et d'insignes. Je fais peu après
connaissance avec les plus marquants d'entre eux, Echalecu,
Arcaute, Santesteban, de la Hidalga, Eraso, tous à macaron
rouge, réservé aux hommes du fond, me précisera-t-on
en me remettant le mien. Cet insigne, je le retrouverai encore
au revers de trois nouveaux venus: le Toulousain Saunier, ingénieur
des services de l'E.D.F., qui bien que novice en fait de grottes
a accepté néanmoins la tâche considérable
de la topographie souterraine, son aide, l'excellent Casillas
et Bernard Clot, pyrénéiste distingué,
professeur de langue espagnole et photographe officiel de l'expédition.
Pendant trois jours, s'installe un calme plat apparent, trois
jours meublés de travaux sans éclat, et surtout
de laborieuses allées et venues du camp au treuil, et
vice versa. Pour certains, ce sera le trajet treuil-groupe électrogène,
plus abrupt encore, et d'aucuns auront à le connaître
jusqu'à trente fois par jour durant la convalescence
de ce dernier instrument quelque peu malmené par le parachutage.
Fichu pays qui semble oublier l'horizontale.
Les premiers jours d'une expédition à la P.S.M.
sont assez ingrats, tout paraît traîner en longueur,
on se perd un peu dans tout ce matériel entassé,
dans une somme de problèmes pendants et complexes qu'on
ne sait par quel bout aborder. Pour peu que le mauvais temps
s'y mette, la "machine" s'alanguit, s'alourdit et
tarde à se mettre en route. Puis, lorsque la tâche
de tous les petits ateliers épars est terminée,
que le magma gisant apparaît conditionné en impeccables
kits--bags, le puzzle se reconstitue d'un coup et tout va se
précipiter dès que commencent les descentes, difficultueuses
au début lorsque les "pépins" surgissent
en série, puis de plus en plus parfaites, jusqu'au style
"prenez vos places, prenez vos billets.." et le rodage
est à peine terminé qu'on s'aperçoit que
tout le monde est en bas.
Pour l'instant, ce 12 juillet, Lepineux et Santesteban sont
dans le puits, arrimés ensemble l'un au-dessus de l'autre,
chargés de nettoyer, au cours de leur descente toutes
les plates-formes au--dessous de celle de -80 qui a été
assainie hier par Bidegain. Leur voyage est mouvementé,
cet attelage trop souple se comporte mal au passage des surplombs
et Lépineux vient même de passer un mauvais moment
à -80, écrasé sur l'arête rocheuse
qui prolonge en profondeur cette plate--forme, par le poids
de son coéquipier inférieur. Nous ne rééditerons du reste pas une telle
formule qui a cependant l'avantage de gagner beaucoup de temps.
A -213, ils se trouvent en présence d'un amas d'éboulis
considérable où figure notamment tout ce que José
a fait dévaler hier de -80, « la plate--forme est
méconnaissable » précise José qui
est actuellement au téléphone et son visage se
teinte du découragement que l'on devine, là en
bas, chez ces deux hommes déjà éprouvés
par leur descente. Nonobstant leur fâcheuse disposition,
ils précipiteront pourtant une heure durant dans des
positions acrobatiques des blocs énormes qui paraissent
renaître de leurs cendres tant il y en a et ils rallieront
enfin le fond épuisés et seuls.
Les descentes, après eux, se poursuivront normalement
à raison d'un nombre égal d'espagnols et de français,
et le 13, vers midi, je retrouve enfin avec joie la combinaison
imperméable, le casque capitonné, le harnais-fauteuil
et même les écouteurs infects qui hachent les oreilles,
tout cela a conservé pour tous ceux qui sont descendus
à la P.S.M. un sel puissant. La cérémonie
des kits-bags est expédiée rapidement grâce
à (ou malgré) un élégant marchepied
escamotable qui se balance dans la trappe, et c'est enfin le
défilement lent des parois, le souffle frais qui monte
des profondeurs, le ronronnement du câble, toute cette
atmosphère qu'on n'oublie jamais, tandis que s'atténue
peu à peu, là-haut un carré de jour insolite
où s'encadre l'adieu des amis.
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