Carlo
Saraceni (v 1585-1620) Grégoire
Ier le grand (fragment) Palazzo Barberini,
Rome.
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Extraits des Dialogues de saint Grégoire le Grand
(Livre second)
Dans ses Dialogues, écrits à Rome en
593-594, le pape Grégoire le Grand (540-604)
fait le récit des miracles opérés par
de saints personnages en Italie. Le livre II, tout
entier consacré à saint Benoît,
constitue la principale source que l'on ait sur
la biographie de ce dernier, moins de 50 ans après
sa mort.
Nous en avons extrait quelques
passages où il est question de la grotte
de Subiaco et du séjour érémitique
qu'y fit saint Benoît durant trois années.
Source
: Grégoire le Grand, Dialogues, Livre II, Paris, 1979, Cerf, coll. "Sources
chrétiennes", n° 260.
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Introduction
Il y eut un homme de sainte vie, Benoît,
béni par la grâce et par le nom. Dès le temps de sa jeunesse, il portait en lui
un cour digne de celui d'un vieillard : dépassant son âge par ses mours, il ne
livra son âme à aucune jouissance, mais alors qu'il vivait encore sur cette
terre et qu'il avait la possibilité d'en user librement pour un temps, il
méprisa d'emblée le monde avec sa fleur comme un sol aride. Issu d'une très
bonne famille libre de la province de Nursie, on l'envoya à Rome pour s'y livrer
à l'étude libérale des lettres. Mais il s'aperçut que c'était l'occasion pour
beaucoup de tomber dans l'abîme des vices : aussi - pour ainsi dire - à peine
avait-il mis les pieds dans le monde qu'il les retira, de peur que, pour avoir
pris quelque contact avec ladite science, il ne soit en contrepartie précipité
tout entier dans l'abîme. Méprisant donc l'étude des lettres, il se mit en quête
d'un genre de vie sainte. Aussi se retira-t-il, savamment ignorant et sagement
inculte.
(...)
I - Le vase brisé
1. Ayant donc abandonné l'étude des lettres, il avait décidé de gagner le désert, et
sa nourrice qui l'aimait passionnément fut seule à le suivre.
(...)
3. Mais Benoît, plus désireux de
souffrir les maux du monde que ses louanges, de se fatiguer dans les travaux de
Dieu plus que d'être promu aux faveurs de cette vie, quitta sa nourrice en
secret et gagna une retraite située dans un lieu désert appelé Subiaco à
quelques 40 milles de Rome : de là émanent des eaux fraîches et transparentes
lesquelles, grâce à leur abondance, forment au début un grand lac qui, à la fin,
poursuivent leur chemin en rivière.
4. Alors que dans sa fuite, il était
parvenu à cet endroit, un certain moine, du nom de Romain le découvrit en train
de marcher et lui demanda où il allait. Ayant pris connaissance de son désir,
d'une part il garda le secret, d'autre part il lui accorda son aide, lui donnant
l'habit de sainte vie et lui rendit tous les services qu'il était en droit de
lui rendre. Parvenu à ce lieu, l'homme de Dieu,
quant à lui, gagna une grotte très exiguë où, pendant trois ans, il demeura
inconnu des hommes, à l'exception du moine Romain.
5. Ce Romain vivait
non loin de là dans un monastère sous la règle du Père Adéodat, mais il dérobait
pieusement des heures aux yeux de son Père, et le pain qu'il pouvait soustraire
à sa propre portion, il le portait, certains jours, à Benoît. Il n'y avait pas
de chemin de la grotte au monastère de Romain, car un rocher très élevé la
surplombait. Cependant, du haut de ce rocher, Romain avait l'habitude de
descendre le pain à l'aide d'une très longue corde sur laquelle il avait mis une
petite sonnette attachée par une ficelle afin qu'en entendant la clochette,
l'homme de Dieu soit averti que Romain lui apportait du pain : alors il sortait
pour le prendre. Mais l'antique ennemi, jaloux de la charité
de l'un et du repas de l'autre, voyant un jour qu'on faisait descendre le pain,
jeta une pierre et brisa la sonnette. Romain cependant n'en continua pas moins
de le servir en usant de moyens adéquats.
(...)
XXXVIII - Une pauvre femme guérie dans la grotte de saint Benoît
1. Il brille par ses miracles, également
dans cette grotte de Subiaco
(Sous-le-lac), où il habita tout d'abord et cela jusqu'à nos jours encore, à
condition que la foi des demandeurs "l'exige". Récemment en effet s'est produit
ce fait que je te raconte : une femme, aliénée mentalement avait complètement
perdu la raison. Nuit et jour, elle errait par monts et par vaux, à travers
champs et forêts, ne s'arrêtant pour se reposer que là où la fatigue l'y
contraignait. Or un jour, après avoir très longtemps erré en vagabonde, elle
aboutit à la grotte du saint homme, le bienheureux Benoît, et là, sans rien
savoir, elle entra et y demeura. Le matin venu, elle en sortit, pleinement
rétablie dans son bon sens, comme si aucune démence ne l'avait jamais tenue
captive. Et tout le reste de sa vie, elle conserva cette bonne santé dont elle
avait reçu la grâce.
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