Régis ROUX
  Vous êtes ici : Accueil | Divers  | Poèmes  | Régis Roux
   
 
Poésie et spéléo
| Bibliographie | Le Pas des Voûtes | Les Chuats
 
 

Roux

Régis Roux est né en 1964 à Grenoble. Rapports privilégiés avec la campagne de la vallée de la Galaure (Drôme) et les Alpes (Chartreuse, Vercors.) A vingt ans, il renonce à s'engager dans une carrière musicale pourtant préparée depuis l'enfance, la vie pleine avec les mots s'avérant indispensable pour lui. Maîtrise de Lettres Modernes dans le cadre de l'Imaginaire, puis CAPES. Installé dans la Drôme des collines depuis 1993. Marié. Quatre enfants. Aime voyager, faire du sport, suivre le terrain des découvertes, collecter les objets, rencontrer des spécialistes ouverts à un regard poétique, puis écrire au plus près. Il a créé un atelier d'écriture à partir de pierres mollasses.

Il expose ci-contre sa démarche personnelle, qui établit un rapport entre spéléologie et poésie.

On trouvera par ailleurs:
- une
bibliographie
- deux poèmes,
Le pas des voûtes, et Les Chuats.

 

Poésie et spéléo


     Ces deux mots trouvent des échos l'un dans l'autre : images et aventures, profondeurs et glissements vers un autre monde. Voilà ce que je poursuis à travers une démarche où la roche et les mots ne seraient plus séparés.

     Encore faut-il accepter, selon moi, de vivre des histoires souterraines en rampant, en escaladant, en connaissant les puits, les trémies aux dés instables, les méandres déchiquetés, les étroitures, les ressauts, les rivières semblables à des récompenses vertes et souvent assourdissantes; en se battant avec le froid, l'éclairage, la boue, la fatigue, les croisements muets des labyrinthes ; en retournant souvent dans les mêmes cavités afin de mieux en éprouver les mystères.

     La poésie ne vient qu'après l'exploration, qu'à partir du moment où le poème déploie ses vers pareils à des franchissements.

     Au départ, des appréhensions auraient pu m'empêcher d'aller dans les cavités, mais j'avais déjà beaucoup écrit à partir de fossiles, de cristaux, de galets, de pierres mollasses, mon imagination trouvant ses miroirs dans le minéral. Alors comment ne pas aller plus loin, c'est-à-dire, après les ammonites et les palets ronds, s'entourer vraiment de roches avec la nuit et tout ce qui, sous terre, fascine ou fait peur ?

     En vérité, mon projet initial consistait à découvrir le palais transparent de la fée Mélusine, à observer des parois de calcite et de rouille pour y voir des motifs -objets, visages ou silhouettes-, mon délire et l'éclairage étant des facteurs essentiels. Je m'appuierais sur des états de conscience altérée ou sur la rêverie qui me sont familiers.

     Premiers pas dans la grotte Favot. Dès le tunnel incliné, j'ai senti qu'il en irait autrement, que j'avais poussé une porte inconnue. Quelques sorties ne suffiraient pas. Il faudrait d'abord considérer l'univers du dessous comme un lieu secret pour le sport et l'exploration avec ses règles et ses limites à la fantaisie. La poésie ne viendrait qu'après des éléments révélés au fil de l'itinéraire.

     Alors, peu à peu, les volumes, les goulots, les grandes verticales et l'obscurité sont revenus dans mes rêves nocturnes, retravaillant mes expériences vécues au coeur du calcaire.

     Mais après un tel pouvoir de l'expérience, pourquoi écrire ? Chez moi, le besoin de redire avec les mots de la poésie est irremplaçable. Il ne fait pas que porter témoignage. Il tend à vouloir partager une expérience essentielle. D'autres filment, font de la photographie, dessinent ou peignent. D'autres encore sont motivés par les aspects scientifiques des grottes. Beaucoup vivent d'abord l'aventure souterraine pour elle-même, pour explorer des réseaux, pour le plaisir pur de la découverte.

     Au départ existe bien la pratique de la spéléologie avec ses risques et ses défis, ses paysages entre l'annonce la plus grandiose et la confidence, son équipe d'explorateurs où la camaraderie et l'humour prouvent qu'il s'agit bien là d'une aventure humaine, ou alors ses épisodes en solitaire. La vision poétique se porte au-delà de la réalité tout en lui restant fidèle. Par les mots elle s'en éloigne pour mieux s'en souvenir.

     La chauve-souris suspendue au plafond d'une salle représenterait non pas cette inversion des images à partir du jour mais ce regard différent. La créature aveugle n'est pas tout à fait endormie. Elle se replie dans son cocon d'ailes brunes afin de reprendre à son compte le pouvoir de la grotte. Le spéléo qui passe n'éclaire qu'un instant les merveilles des millénaires.

Régis Roux