Ludvig Holberg : "Voyage de Klimius dans le monde souterrain" | ||||
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Pour mieux comprendre le sens de cette oeuvre, on lira avec profit le texte ci-dessous, dû au Dr. Kathrine Sørensen Ravn Jørgensen, de l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales de Copenhague, extrait de son étude disponible sur le site Web de l'Università degli Studi di Urbino "Carlo Bo". |
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En 1741, [Holberg]
fait publier à Leipzig anonymement une prétendue
relation de voyage rédigée en latin, Nicolai
Klimii Iter subterraneum; ce
roman fut vite traduit en plusieurs langues. Le
Voyage souterrain de Niels Klim
permet à son auteur de décrire sous le manteau
de la fantaisie baroque un certain nombre de planètes
intérieures à la nôtre où règnent
différentes sociétés. Le héros,
un étudiant en théologie norvégien, découvre
tout d'abord Potu, anagramme d'Utopie. Plein de préjugés
et d'idées préconçues, il désavoue
les "bizarreries" dont il est le témoin, celles-là
mêmes que Holberg juge conformes à la raison et
à l'humanité. Arrivé à Potu, il
ne montre qu'incompréhension à l'égard
de citoyens qui prisent la lenteur et la gravité, confient
les plus hautes charges à des femmes si elles en sont
dignes (car ils ne prennent que le mérite en considération)
et se livrent pour rire à des disputationes,
forme plaisante de divertissement populaire - on en avait fait
grand cas à l'époque barbare, explique-t-on à
Klim scandalisé, mais l'expérience avait montré
que ces joutes oratoires ne faisaient qu'obscurcir la vérité,
aussi les avait-on reléguées parmi les jeux du
cirque. Autre bizarrerie aux yeux du voyageur, les Potuans marquent
le plus grand respect pour les laboureurs, pères nourriciers
de tous les citoyens, alors qu'en revanche, ils internent jusqu'à
guérison complète les fous qui disputent sur l'essence
et les attributs de Dieu. Une sorte de foi minimum unit ce peuple:
on s'accorde à croire en un Dieu unique, souverain, créateur
de toutes choses - et incompréhensible. A partir de cette
plate-forme commune se développent librement diverses
sensibilités religieuses sans que personne soit persécuté
pour ses croyances. Cette théologie tolérante
n'est pourtant pas un pur déisme: la religion naturelle
doit être complétée par la Révélation;
celle-ci, consignée dans un livre, constitue un indispensable
garde-fou compte tenu de la négligence des hommes et
des abus dont ils peuvent se rendre coupables. En matière
politique, la liberté de pensée et de conscience
est pareillement garantie - à Potu. Il n'y a plus de
nobles et roturiers, distinction qui jadis était source
de discorde; le prince a aboli toutes les prérogatives
attachées à la naissance, ne prenant en considération
que la vertu et l'utilité, et il règne entre les
sujets une juste égalité autant que la sûreté
de l'Etat peut le permettre. Le prince est le seul à
qui on ne puisse intenter un procès de son vivant, mais
l'inscription portée sur sa tombe, laissée à
l'initiative de la postériorité, a valeur de sanction
posthume - et d'aiguillon pour ses successeurs. Parmi les mauvais
princes potuans, il y a eu jadis un conquérant; à
sa mort, les citoyens ont restitué les territoires indûment
acquis. Quant à l'université potuane, elle mérite
qu'on s'y arrête un instant. Les sciences utiles telles
que l'histoire, les mathématiques, l'économie,
la jurisprudence, y sont à l'honneur, mais elle ne possède
pas de faculté de théologie car toute la dogmatique
peut être exposée de manière concise et
abrégée en une page ou deux, et il est interdit
de disputer sur la religion. Il n'y a pas non plus de faculté
de médecine, la sobriété des habitants
les préservant de la maladie. Bien entendu, la métaphysique
et autres disciplines transcendantales sont bannies. Chacun
doit s'en tenir à une science précise, et les
docteurs sont obligés de donner tous les ans des preuves
de leur savoir. Aucun savant ne peut publier avant 30 ans accomplis,
car il paraît souhaitable de n'avoir que peu d'ouvrages
mais mûrement pensés et de haute qualité.
L'éloquence est bannie, sauf pour les jurisconsultes;
la recherche des vérités salutaires doit se faire
sur un ton enjoué et agréable. Le duel est interdit.
Une certaine forme de censure existe toutefois à l'université
puisque parmi les docteurs on nomme des "professeurs de
bon goût" qui veillent à ce qu'on n'occupe
pas l'esprit des jeunes gens à des fadaises, qu'on ne
publie pas d'ouvrage trivial et qu'on écarte les imbéciles
du monde académique. |
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