Les risques
ne sont pas absents, et un accident va survenir, suivi d'une
évacuation conduite avec efficacité. Mal
éclairés, mal équipés, munis de
cordages lourds et d'une résistance douteuse, les
jeunes gens prennent sciemment ou pas des risques
considérables. Parmi ces
risques, celui de se faire assommer ou de lâcher la
corde : Ou encore de
ne pouvoir remonter à la corde lisse : L'insuffisance
de l'éclairage fourni par une bougie tenue à
la main est certainement à l'origine de l'accident
mortel du 11 mars 1917, qui coûta la vie à
Emile Andlauer, au gouffre des Granges-Mathieu. Immédiatement
après l'accident, les responsables de l'excursion
entreprennent une opération d'évacuation
conduite avec efficacité. Médicalisation
d'abord - hélas en vain -, profitant de la
présence en surface du docteur Dayet et de deux
étudiants en médecine : Puis
brancardage de la victime pour l'extraire du
gouffre : Cet
épisode pénible explique sans doute l'abandon
de l'activité et la dissolution de l'équipe
qui semblent l'avoir suivi :
La prise de risque
"Pendant qu'il est attaché, il en profite pour
franchir la corniche qui cotoye le gouffre ; c'est
palpitant car cette corniche n'a pas 10 cm de large à
certains endroits." (compte-rendu n°6 du
16 avril 1916).
"Challe a failli se faire assommer par une pierre
détachée par la corde. (...) Ce fut plus
difficile de monter que de descendre. Duret R.
s'écorche les doigts." (compte-rendu
n°1
du 19 mars 1916).
"Il essaie de remonter par la force des bras et, comme il
peut, nous pensons tous être assez forts pour faire
comme lui. La corde est alors attachée solidement
à un énorme rocher et, l'un après
l'autre, nous nous laissons glisser dans l'abîme."
(compte-rendu n°8 du
11 juin 1916).
"La remontée a été très
difficile, parce que la corde se coinçait. Ils sont
restés 1 h ½ dedans avant qu'ils puissent en
sortir. Ils ont pu enfin en sortir en faisant des
étriers dans la corde." (compte-rendu
n°11 du
28 septembre 1916).
L'accident
"M.Andlauer, qui veut rentrer pour midi, pour aller plus
vite s'engage tout seul dans la seconde galerie, qui lui
était inconnue. Quelques minutes après le
départ du malheureux professeur, on entendit un
éboulement dans la galerie où étaient
M.Sollaud, Marcel, Vaissier et Andlauer. C'était le
malheureux qui, ayant pris une galerie supérieure
communiquant par un gouffre avec la galerie
inférieure, était tombé d'une trentaine
de mètres. Il vint rouler aux pieds de M.Sollaud qui
se trouvait dans la galerie inférieure. Vaissier et
Marcel, qui étaient à 30 m de Sollaud,
avaient vu une bougie au-dessus du gouffre, dans la galerie
supérieure. Ils avaient appelé, mais personne
n'avait répondu. Il était assis, les pieds
pendants dans le gouffre, et tout-à-coup il glissa
dans l'abîme. Ils appelèrent Sollaud qui leur
dit que la personne tombée était
méconnaissable, et que ce devait être
Andlauer ; il était inanimé, le
crâne fracassé ; le pouls ne battait
plus." (compte-rendu n°15 du
11 mars 1917)
L'évacuation
"Ils me crièrent alors de faire descendre au plus
vite Dayet, Troucin et Brouhard, étudiants en
médecine. Mais il n'y avait rien à faire, la
mort avait été instantanée."
(compte-rendu n°15 du
11 mars 1917)
"Ils se mirent à l'oeuvre pour remonter le corps
jusqu'au pied de la corde. Ce fut une opération
très pénible. Enfin, au bout de
3 h ½ , le cadavre était au bas du
gouffre. Il fut cousu dans un drapet lié avec un
bâton pour le tenir raide. On attacha une corde
à chaque bout du bâton, puis une autre corde
servit à tenir le cadavre écarté de la
muraille." (compte-rendu n°15 du
11 mars 1917)
"Cet accident a marqué, dans notre carrière
d'explorateurs, un temps d'arrêt. Peut-être
reprendrons nous plus tard nos explorations. Nous
étions partis gais et pleins d'entrain ce
jour-là ; le retour ne fut pas le même.
Chacun était taciturne dans son coin. Cette
journée, dont nous nous rappellerons longtemps, a
péniblement impressionné toutes les personnes
présentes à l'accident." (compte-rendu
n°15 du
11 mars 1917).
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