Une exploration spéléologique
qui finit mal...
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Nos hésitations sont même si grandes que nous rebroussons encore une fois chemin jusqu'au moment où G. découvre entre deux pierres le collier du chien que nous avions posé ce matin au sommet d'un bloc.

Après nous être persuadés que nous ne rêvons pas et rendu le collier à son possesseur, nous repartons une nouvelle fois vers notre lac.

L'eau claire et limpide laisse voir le fond à un mètre de profondeur environ.

Ne voulant pas perdre de temps à nous déshabiller et nous rhabiller si près de la sortie, nous décidons de passer dans cette eau tout équipés.

L. pressé de sortir s'engage résolument dans l'eau glacée. Il enfonce immédiatement dans l'argile du fond et nous le voyons avec étonnement disparaître jusqu'au cou dans ce que nous avions estimé avec exactitude d'ailleurs à un mètre de profondeur.

Les pieds sont si bien fixés dans cette pâte que chaque pas nécessite un long et énorme effort, comme si nous avions de gros lingots de plomb aux semelles.

R. passe ensuite au juger, l'eau s'étant déjà fortement mélangée à la vase du fond. Plus question maintenant pour les suivants de choisir leur chemin dans cette eau jaune.

D. s'engage à son tour, il peine visiblement et a mille peines à lever ses pieds fatigués. A l'endroit le plus profond, il s'immobilise même complètement en nous criant qu'il a un pied coincé dans une faille. Nous l'encourageons de notre mieux mais il n'arrive pas à se dégager. Plongé jusqu'au cou dans cette horrible pâte jaune, il greloppe et fait même mine de s'évanouir. Et pendant ce temps, l'eau continue à monter lentement.

Diable, c'est plus sérieux que nous ne le pensions. Impossible de plonger dans cette crème où l'on ne verrait d'ailleurs absolument rien.

Deux d'entre nous courent le risque de se coincer aussi et vont le soutenir. Le spectacle de notre camarade peinant sans succès dans ce bain opaque, un bras autour du cou de chaque sauveteur, fait vraiment peine à voir. Ce n'est qu'après un bon quart d'heure de nouveaux efforts qu'il arrive à sortir son pied du soulier que nous abandonnons au fond. Nous le portons sur l'autre rive et le réconfortons de notre mieux.

Soulier

Nous repartons transis, collants et grelottants, dans un état physique lamentable, nous traînant plutôt que nous marchons. D. qui chemine maintenant avec un pied nu est très handicapé.

Enfin voici une balise, la première que nous retrouvons, puis la corde. D. se retournant on ne sait pas trop pourquoi a juste le temps de voir le chien se délecter de notre dernier jalon.

Et voilà comment cette sale bête a failli causer notre perte. Et dire que pas un de nous n'avait pensé à la comestibilité de nos repères. Quand même !

La remontée à la corde n'en finit plus dans l'état où nous sommes. Les poignets refusent tout service, les yeux papillottent, les distances sont confuses, l'esprit ne réagit plus. Nous remuons comme des automates sans savoir au juste où nous posons les pieds, risquant la chute à chaque instant.

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