Dans l'arrière
pays héraultais, la vallée de la Buèges
est un lieu magnifique, frontière entre le
massif de la Séranne, haut de près
de 1000 m, et le causse, au-delà duquel s'étend
Saint-Martin de Londres. Au centre se trouve le
village de Saint-Jean de Buèges et, plus
loin, après la source de la Buèges,
celui de Pégairolles de Buèges.
Ce poème
est extrait
de Beau calcaire, notre mémoire (Domens, Pézenas, 2000).
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Vallée de la Buèges
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Nous avons hérité du livre où se contait, Moitié
à pas forcés et moitié en prières, La destinée
d'un fou errant, qui s'entêtait A découvrir, premier de tous,
le sang des pierres.
La fin se devinait, nous la savions par coeur : Il mourut sans réponse
à sa quête furieuse. Mais nous, pris ce jour-là par quelque
astre rôdeur, Vîmes les mots briller comme autant de veilleuses.
Le livre refermé, un point luisait toujours : Le fou nous commandait
de reprendre sa route. Dociles, nous allons, en avant, à rebours, Sur
ce même chemin où le vent nous envoûte.
Nous avons questionné toute l'eau des grands arbres, La source
où la calcite illuminait nos doigts, Le secret qui coulait dans les
veines du marbre Et la feuille repue, quand septembre décroît.
Le temps vint où nos yeux refusèrent l'exil, Où l'astre
se posa sur un seuil immobile Au tréfonds du pays qui bat, jusqu'en
nos cils, D'un rêve souterrain la mesure tranquille.
Depuis, nous avons lu une infinité d'ombre Dont la chair par instants
se trouait de cristaux, Les âges ont perdu et leurs noms et leurs nombres Dans
la grotte où la nuit bâtissait nos châteaux.
Du vieux fou nous avons oublié l'aventure Et pourtant, comme lui,
quelquefois entrevu La raison d'une terre où nous avons reçu, D'eau
ou de sang, qui sait, la même investiture.
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