Retour

Gouffre des Granges-Mathieu

ou gouffre à Dédé

Chenecey-Buillon (Doubs)
Coordonnées Lambert : 875,64 - 244,83 - 387


Exploration

Exploration

Le gouffre des Granges-Mathieu est le lieu privilégié des premières explorations rapportées dans les carnets.
En 1916, les frères Duret et leur équipe l'ont visité à quatre reprises, les 19 mars (
n°1), 23 mars (n°2), 26 mars (n°3) et 27 avril (n°7).
Ont participé à ces séances : Billey, Challe, Derrier, Duret Marcel, Duret Robert, Flusin André, Flusin Robert, Foret Jacques, Foret Max, Laloy Paul, Laloy R., Lecreux P., Martin André, Martin Léonce et Zeller Robert.
Quelques-uns d'entre eux y sont revenus pour diriger une excursion collective, le 11 mars 1917 (
n°15), jour de l'accident mortel d'Emile Andlauer.

Le gouffre des Granges-Mathieu est en fait exploré partiellement depuis longtemps. R.Duret signale avoir découvert des inscriptions datant de 1886, dans la galerie sud, ainsi qu'un "billet dans une fente de rocher", où "est écrit le nom d'un soldat du Cinquième d'artillerie" (compte-rendu du 19 mars 1916).
E. Fournier, quant à lui, l'a exploré en mai 1907, sur une quarantaine de mètres dans la galerie sud, et jusqu'à la base de la coulée stalagmitique, à 120 m du puits, dans la galerie nord (
voir ci-dessous).
C'est en 1956 qu'une équipe interclub (Groupes Spéléo du Doubs, de Belfort et de St-Dizier) escalade la coulée de la galerie nord et explore le reste de la cavité, soit environ 950 m.

La visite de l'équipe Duret, en 1916, constitue en partie une première : en effet, dans la galerie sud, la barrière de blocs que Fournier n'avait pas escaladée est franchie, et une centaine de mètres de galerie explorés au-delà.
D'autre part, comme c'est souvent le cas, Duret fournit des cotes et des observations plus proches de la réalité que Fournier, très fantaisiste dans ses descriptions.
Quelques exemples :
- le puits d'entrée, qui mesure 23 m, est donné pour 35 m par Fournier, et pour 30 m par Duret.
- la galerie sud n'a été vue que sur 40 m par Fournier, qui lui attribue 70 m (mesuré sur son plan) pour une profondeur de 65 à 70 m... chiffres exagérés, sachant que la cote réelle est de -42 m.
Quant à l'équipe Duret, qui a exploré cette galerie sur 150 m pour -42 m, sa topographie indique 190m pour -45 m, ce qui est une approximation acceptable.
- la galerie nord est donnée pour 300 m et -60 par Fournier, et pour 150 m par Duret, alors que ses cotes réelles sont de 120 m pour -44. Là encore, les écrits de Duret sont plus rigoureux que ceux de Fournier.
Enfin, l'hypohèse de Duret sur une jonction possible entre la grotte aux Blaireaux et le gouffre de Granges Mathieu est inédite. Elle sera reprise par E.Fournier dans sa publication de 1923, alors qu'elle ne figurait pas dans son article de 1907.


Description

Description

Carte

Le gouffre débute par un large puits profond de 23 m, formant un regard sur une galerie concrétionnée. A sa base, un cône d'éboulis conduit, d'une part, à la branche sud terminée 150 m plus loin par une trémie et, d'autre part, à la branche nord où on parvient, au bout de 120 m, au pied d'une coulée stalagmitique (-44), constituant le terminus jusqu'en 1956.
Une escalade de 12 m sur cette coulée donne accès à la suite de la cavité, qui se prolonge sur 900 m vers le nord.
Développement : 1173 m - Dénivellation : -44 m

Granges-Mathieu : coupe

Coupe partielle, d'après Mauer R., 1959, Nos Cavernes, bulletin du Groupe Spéléologique du Doubs, n°6, p.12

Granges-Mathieu : plan

Plan partiel, d'après :
Inventaire Spéléologique
du Doubs
(Comité Départemental
de Spéléologie du Doubs)
tome 2-1991, p.191


Topo

Puce Topographie Duret

Topo Duret

Plan complet du gouffre des Granges-Mathieu (parties connues à l'époque). Ce croquis reprend ceux des 23 et 26 mars 1916. Duret y a ajouté le passage supérieur aboutissant dans les voûtes de la galerie nord (à gauche sur le dessin), itinéraire emprunté par Emile Andlauer, avant sa chute mortelle.


Biblio

Extrait de : Fournier E., 1907, Spelunca, bull. et mém. Soc. de Spéléologie, n°50, p.102-104

Fournier : gouffre des Granges-Mathieu

"Aux Granges Mathieu, près de Chenecey-Buillon, s'ouvre un gouffre important, au fond duquel, d'après le dire des gens du pays, devait exister une importance rivière souterrain.
Grâce à l'obligeance de M. Magnin, de Moncey, qui a bien voulu mettre à notre disposition son automobile, nous avons pu accomplir l'exploration de cette intéressante cavité. Le gouffre (A), qui forme l'entrée de la grotte, mesure 35 mètres de profondeur verticale et aboutit à un talus d'éboulis B C, en pente très forte, qui amène à une profondeur totale d'environ 65 à 70 mètres, de la surface. Cette première galerie se termine en cul-de-sac, mais elle est remarquable par les belles dimensions de sa voûte, qui, vue du fond, éclairée d'en haut par le gouffre, est d'un effet grandiose.

On a jeté autrefois beaucoup de bêtes mortes dans ce gouffre, comme le témoignent les très nombreux ossements qui, avec des débris divers de ferraille et d'ustensiles de ménage, constituent une grande partie du talus d'éboulis.
Dans la paroi B du gouffre, s'ouvre un orifice juste assez grand pour y introduire le corps et qui menace même de se fermer un jour ou l'autre par le glissement des éboulis ; cet orifice donne accès dans une première galerie B D, remarquable par ses superbes stalactites et stalagmites. Vers le fond de la galerie B D, deux orifices 0 et 0', aboutissent à des à pic donnant dans la galerie principale ; mais, il n'est pas nécessaire de franchir ces à pic, pour pénétrer dans cette galerie, car, si l'on revient vers l'ouverture B, on petit suivre un talus d'éboulis B E, qui permet d'y accéder directement. Cette grande galerie E F G, mesure environ 300 mètres de longueur totale ; elle est peu sinueuse, et renferme des rochers éboulés et quelques stalagmites.
Elle se termine par un petit cul-de-sac ascendant G. Lorsque nous l'avons explorée, en compagnie de M. Magnin, de Moncey, elle était à sec, mais, en temps de pluie, les eaux y circulent très certainement. Ces eaux rejoignent, par des fissures du calcaire, celles qui alimentent la résurgence qui jaillit sur la rive droite de la Loue, au-dessous de la Grotte de Chenecey que nous avons décrite ici naguère.
Au total les galeries du gouffre-grotte des Granges Mathieu, dépassent 450 mètres de longueur, et sont particulièrement remarquables au point de vue pittoresque : malheureusement l'aménagement en serait assez coûteux et, de plus, cette cavité se trouve située un peu en dehors des moyens commodes de communication."

Extrait de : Fournier E., 1923, Explorations souterraines en Franche-Comté - Les gouffres, p.49-52

"Près du hameau des Granges-Mathieu, au nord-est de Chenecey-Buillon, s'ouvre, dans le Bathonien moyen, un gouffre au fond duquel passait, d'après les légendes locales, une rivière souterraine alimentant la source située au-dessous de la grotte. Dès 1903, on nous avait signalé cet abîme ; des soldats en manoeuvres y étaient, disait-on, descendus et avaient constaté l'existence de belles galeries. En mai 1907, nous avons pu faire l'exploration complète de cette intéressante cavité. L'entrée constitue un sorte d'entonnoir garni d'arbres, qui se continue par un gouffre vertical. A 35 mètres environ de profondeur, nous prenons pied sur un talus d'éboulis, B C, qui descend en pente très forte jusqu'à une profondeur d'environ 65 à 70 mètres au-dessous de la surface. Cette première galerie se termine en cul-de-sac, mais elle est remarquable par sa belle voûte qui, vue du fond, éclairée d'en haut par le gouffre, est d'un effet imposant. On a jeté autrefois beaucoup de bêtes mortes dans cet abîme, comme en témoignent les nombreux ossements qui, mélangés à divers débris de ferraille et de vieux ustensiles de ménage, constituent une partie du talus d'éboulis.
Dans la paroi B du gouffre, s'ouvre un orifice juste assez grand pour y introduire le corps et qui menace même d'être obstrué un jour ou l'autre par le glissement des éboulis : cet orifice donne accès dans une première galerie, B D, remarquable par ses superbes stalactites et stalagmites et mesurant une cinquantaine de mètres de longueur. Vers le fond de cette galerie, deux orifices, 0 et 0', s'ouvrent sur un à-pic d'environ 25 mètres, donnant accès dans la galerie principale E F G; mais il n'est pas nécessaire de franchir cet à pic, car, si l'on revient vers l'ouverture B, on peut, en descendant sur un talus d'éboulis B E, accéder directement dans la galerie E F G. Cette galerie a une longueur d'environ 300 mètres ; ses voûtes sont élevées dans toute la première moitié du parcours et s'abaissent progressivement jusqu'à l'extrémité F G, constituée par un petit cul-de-sac ascendant, garni de stalagmites. Lorsque nous avons exploré cette galerie, en compagnie de M. Magnin de Moncey, elle était à sec ; mais, pendant les périodes humides, les eaux y circulent très certainement, et c'est sans doute ce qui a pu faire croire à l'existence d'une rivière souterraine permanente. Ces eaux rejoignent, par des fissures du calcaire, celles qui alimentent la résurgence qui jaillit sur la rive droite de la Loue, au-dessous de la Grotte de Chenecey. Au total, la longueur des galeries du Gouffre-Grotte des Granges-Mathieu dépasse 450 mètres. Ces galeries, qui sont particulièrement remarquables, au point de vue pittoresque, se rattachent, sans aucun doute, au même réseau que la Grotte, avec laquelle il serait même peut-être possible d'établir une communication, en procédant à des travaux de désobstruction; ce serait là un moyen de réaliser un aménagement parfait du gouffre, sans avoir recours à un escalier de descente, dont la construction serait coûteuse ; l'ensemble des deux cavités constituerait alors une attraction touristique de premier ordre.
L'exploration du Gouffre de Granges-Mathieu fut renouvelée par MM. Guillin, préparateur de physique à la Faculté, et Rimey, étudiant, le 30 juin 1907, et, depuis lors, des descentes ont été effectuées à diverses reprises par de nombreux excursionnistes. Bien qu'il ne présente aucun danger et soit même un des plus faciles d'accès de toute la région, cet abîme a été récemment (11 mars 1917) le théâtre d'un accident tragique. Plusieurs excursionnistes de Besançon étaient en train de visiter le gouffre, lorsque M. Andlauer, professeur à l'Institution Saint-Jean, voulut se faire descendre pour aller rejoindre les excursionnistes qui se trouvaient dans la galerie du fond ; il entra dans la galerie B D et, trompé sans doute par l'obscurité, s'engagea dans l'orifice 0', perdit l'équilibre et vint se fracasser le crâne, 25 mètres plus bas, sur les rochers qui, en cet endroit, garnissent le fond de la galerie inférieure ; la mort fut instantanée. Ce déplorable accident confirme une fois de plus que, lorsqu'on pénètre pour la première fois dans un gouffre, même des plus faciles, on ne saurait s'entourer de trop grandes précautions et qu'il faut toujours reconnaître, avec un soin minutieux, les cavités dans lesquelles on s'engage ; c'est en ne nous départissant jamais de ce principe, que nous avons pu mener à bien, sans aucun accident grave, toutes les explorations, parfois cependant dangereuses, que nous avons dirigées, ou auxquelles nous avons collaboré depuis trente ans, dans le Jura, les Causses, la Provence, les Pyrénées, etc."


 Haut de page