Spéléologie (3)
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3. La spéléologie physique

    Sous la rubrique spéléologie physique se rangent tous les phénomènes qui ne relèvent ni du monde vivant ni de l'histoire humaine. Ce très vaste domaine peut être subdivisé à son tour en deux chapitres majeurs, celui des mesures physiques et celui de l'observation naturaliste.

    Traditionnellement, la spéléologie physique est associée à l'étude du relief karstique (cf. relief karstique). De fait, les cavernes des régions calcaires se classent parmi les plus grandes et les plus nombreuses, mais il ne faut pas négliger l'existence de cavités naturelles dont la genèse n'est pas liée au caractère soluble de la roche encaissante. Citons les grottes de certains massifs volcaniques ou les cavernes littorales.

    Enfin, depuis déjà un certain temps, la spéléologie physique étend ses investigations aux cavités naturelles inaccessibles à l'homme: le réseau de fentes et de canalicules qui traversent la masse rocheuse.

    La spéléologie physique pose des problèmes très particuliers aux chercheurs. Un massif de roches sableuses, perméable en petit [cf. hydrogéologie], est inaccessible en profondeur sans moyens artificiels (puits), mais ses propriétés varient de façon continue et permettent un traitement général par intégration de données partielles. Au contraire, le massif karstifié se caractérise par son hétérogénéité et exige une investigation point par point des cavernes, en fonction des possibilités d'accès, avec prise en considération d'éléments inaccessibles (fentes ou galeries inexplorées). L'interprétation soulève de nombreux problèmes méthodologiques concernant la répartition zonale des caractères observés partiellement, les rapports entre échelle du phénomène et échelle d'observation, etc.

    Mesures physiques

    L'étude d'une cavité naturelle considère successivement: la masse rocheuse encaissante, l'atmosphère de la caverne, les eaux souterraines qui la traversent ou y séjournent.

    La roche encaissante

    Il est nécessaire de connaître la nature pétrographique de la roche encaissante, sa solubilité et les caractères associés (nature des insolubles, porosité, etc.).

    Au voisinage des cavités souterraines et des versants de vallées, les massifs rocheux présentent un état mécanique donné (régime de compression pouvant aller jusqu'à la fracturation ou détente entraînant l'ouverture des fissures). Les problèmes de cette mécanique des roches sont bien connus des techniciens de l'exploitation minière [cf. géotechnique], mais sont à peine esquissés pour les cavités naturelles. Cette mécanique des parois de grottes conditionne cependant le développement du réseau de fentes voisin de la galerie, les éboulements, etc. À ce propos, nombre d'études sont en cours: orientation des diaclases en rapport avec l'orientation des cavités, mesure de la déformation des cavités (ce qui exige un appareillage extrêmement sensible), mesures géophysiques, électriques ou séismiques.

    L'atmosphère souterraine

    D'importantes masses d'air circulent dans les cavités souterraines, tout d'abord à cause des différences de température entre les atmosphères interne et externe. L'air chaud étant plus léger que l'air froid, en hiver, l'air souterrain, plus chaud donc plus léger, aura tendance à s'élever avec courants d'air, parfois très violents dans les rétrécissements des conduits souterrains. Les variations de pression barométrique auront une action complémentaire; une dépression provoque une expansion de la masse d'air souterraine dont le mouvement s'ajoute ou se retranche, suivant les points, aux mouvements d'origine thermique. En pays de faible relief, les mouvements barométriques prédominent. La pression du vent sur un versant, une cascade dans un grand puits déterminent des courants d'air locaux.

    La température de l'air des cavernes peut être considérée comme constante, malgré de petites variations très vites amorties en raison du volant thermique constitué par la masse rocheuse encaissante. L'état hygrométrique de l'air est presque toujours très élevé et voisin de la saturation.

    La composition chimique de l'air souterrain diffère souvent de la composition de l'air externe. Les réactions biochimiques liées au développement de la végétation produisent du gaz carbonique qui diffuse vers le bas à la faveur des fentes. L'atmosphère souterraine s'enrichit en CO2, au détriment des autres éléments, et des atmosphères titrant 4,5 p. 100 de CO2 au lieu de 0,03; 14,5 p. 100 de O2 au lieu de 20,9; 80 p. 100 de N2 au lieu de 78,1 se rencontrent couramment.

    Enfin, il existe en caverne une radioactivité naturelle liée à la présence du radon issu de la roche et des argiles de remplissage entraînant une forte conductibilité de l'air.

    Les eaux souterraines

    Les explorations spéléologiques ont fait connaître les particularités des circulations karstiques: des rivières souterraines, parfois très importantes, alimentent, comme de nombreuses expériences de traçage l'ont montré, un petit nombre d'émergences drainant de grandes surfaces calcaires. L'emploi du scaphandre a permis d'établir l'ampleur du réseau noyé. Ces résultats empiriques ont conduit à d'importants travaux théoriques.

    L'existence de circulations en régime turbulent interdit l'assimilation des circulations karstiques aux circulations en milieu poreux avec d'importantes pertes de charge (cas des nappes en terrain sableux). À la possibilité de vitesses élevées de circulation s'ajoute un régime d'infiltration particulier commandé par l'association des fentes et des conduits de grande dimension. Les infiltrations (lentes) à la faveur des fentes se combinent avec le mouvement vertical (rapide) de l'eau qui circule dans les puits et dans les salles. Les étroitures provoquent d'importantes mises en charge, parfois de plusieurs centaines de mètres. Ces multiples actions intégrées dans le mouvement global de circulations souterraines s'acheminant vers une émergence unique se traduisent à l'exutoire par une variation générale dans le temps des débits qui, présentée sous la forme d'une courbe, permet, par l'analyse des pentes et des inflexions, de caractériser le régime de circulation souterraine dans le sous-sol d'un massif donné.

    Circulations souterraines Circulations souterraines Circulations souterraines

    Les émergences intermittentes, telles que Fontestorbes (Ariège), ont toujours excité la curiosité. Elles étaient traditionnellement expliquées par un siphon épuisant rapidement un réservoir à remplissage lent. Les travaux récents montrent que ce mécanisme ne peut être appliqué au phénomène observé dans la nature. L'interprétation actuelle suppose l'existence de prises d'air provoquant un ralentissement périodique de l'écoulement.

    Emergence intermittente Emergence intermittente Emergence intermittente Emergence intermittente

    L'étude de la composition chimique des eaux souterraines est particulièrement importante en région calcaire, la genèse des cavernes résultant de la dissolution des roches carbonatées [cf. hydrogéologie]. L'eau qui pénètre sous terre dissout le calcaire suivant l'équilibre classique:

     

    La température intervient en réglant la quantité de gaz carbonique en solution; à haute température, la quantité de CO2 en solution est plus réduite qu'à basse température, mais le taux de gaz carbonique dissous est d'abord sous la dépendance de la teneur de l'atmosphère souterraine en CO2. Les teneurs variant d'un point à l'autre, l'eau saturée peut devenir agressive, ou bien au contraire se sursaturer et précipiter les carbonates dissous.

    La vitesse de réaction dépend de plusieurs facteurs. Citons la température et les conditions hydrauliques de circulation des eaux souterraines: un film d'eau circulant lentement dans une fente ou sur paroi se sature rapidement alors que, à surface de contact équivalente, l'eau d'un vaste réservoir demeure longtemps sous-saturée.

    La capacité de transport des eaux souterraines karstiques est très grande. Les eaux d'infiltration entraînent dans les fentes et canalicules toutes les particules fines. Certaines fentes se colmatent, d'autres demeurent ouvertes. Dans les conduits à circulation rapide, le débit solide est réglé par les vitesses de circulation. Les rivières souterraines à circulation lente déposent sur sol et parois des enduits épais de particules argileuses. Dans les galeries parcourues par un écoulement torrentiel, sables et galets se déplacent rapidement. En crue, les capacités de transport s'amplifient le long des axes de circulation rapide, les effets de la charge se combinant avec la pente pour augmenter la traction. Des galets et des blocs de plusieurs décimètres cubes emportés au fil de l'eau remontent des verticales de plusieurs mètres ou dizaines de mètres.

    Applications

    Les applications de ces travaux sont nombreuses. Les caractères de la roche observée en caverne intéressent le géologue structuraliste (éventuellement pétrolier); les données climatologiques concernent aussi bien le karstologue et l'écologiste que le préhistorien soucieux de la conservation des peintures préhistoriques ou le fabricant de fromage; les informations hydrologiques sont recherchées par l'hydrogéologue travaillant en région calcaire, aussi bien sur un plan général que dans le cas particulier d'aménagements hydrauliques (captages d'eau, travaux de drainage ou d'étanchéité de retenue).

 

 

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