Le gouffre de la Pierre-Saint-Martin | |
Vous êtes ici : Accueil | Divers | Récits | Robert Mauer | Expédition 1960 | Page 5 | |
|
(suite du récit de Robert Mauer) Le lendemain, seize juillet, nous partons pour une "pointe"
qui sera limitée à trois jours pleins. Écrasés
sous des charges pléthoriques et assez peu en forme de
par les escalades en série de la veille et la peu salubre
atmosphère du gouffre qui commence son travail de sape,
nous égrenons péniblement les bouleversements
de cette impitoyable Allée de la Navarre. Felice qui
transporte un kit-bag démesuré poursuit en ahanant
un corps à corps forcené avec cet objet, rétif,
par nature, à toute préhension honnête.
L'un poussant l'autre et vice-versa, le duo constitue une bruyante
arrière-garde, tandis que devant, Isaac, toujours imperturbable,
hisse un bagage de 35 kilos. Devant les difficultés que
nous rencontrons et qui se projettent en double dans l'avenir,
pour le retour, nous avons décidé de ne pas dépasser
la Grande Barrière et d'établir notre petit camp
au pied de celle-ci. Une petite fontaine suintant dans une fissure
de schiste où nous avions déjeuné, il y
a six ans, nous en offrira l'occasion. Le camp relais se trouvera
ainsi à peu près à mi-chemin de la partie
connue et le parcours Grande Barrière--Tunnel ne représentera,
sans bagage, qu'une promenade assez tumultueuse et sportive,
il est vrai. Ce n'est qu'au prix d'un nouveau fourvoiement,
au pied de la colline d'éboulis de 1'Allée de
la Navarre que nous atteindrons la fontaine. Tandis que Felice
abandonne son monolithe avec un ricanement vainqueur, Isaac
déharnaché furète déjà à
la recherche d'un emplacement de camp. Il se révèle
bien vite que le seul endroit horizontal de la région
suffisamment large pour recevoir une tente se trouve là
où nous sommes arrêtés. Quelques aménagements
sommaires suffiront à rendre habitable une grande dalle
légèrement pentue. nichée au pied des derniers
contreforts de la Grande Barrière, et surplombée
directement par une coulée d'éboulis inclinée
à 60 degrés fort rébarbative, nous entreprenons,
sur cet îlot dangereux, un patient travail de mosaïque
rocheuse propre à en compenser la gîte. Un gisement
de sable fin, providentiellement découvert par Isaac,
nous fournira à la fois de précieuses indications
sur l'ampleur de crue de la rivière dans cette portion
de réseau, et un confortable matelas pour la nuit. La
tente montée, nous aurons la stupéfaction de découvrir
d'en contrebas notre dalle, dont la face intérieure s'arrondit
en carène, semblable à un navire antique, proue
altière et voiles déployées. Ce sera le
"Camp de la Galère", havre pittoresque que
baigne comme un ressac la rumeur du torrent grondant sous nos
pieds. |
|
|