Gros-Gadeau (39-Geraise), juin 1997
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Chronologie | Rémy Limagne | Bruno Théry | Sarah Emonin

Récit de Rémy Limagne, un des sauveteurs

Récit...

Comme c'est impressionnant à regarder de derrière les carreaux : ce milieu d'après-midi au ciel d'un noir d'encre, au sol qui se recouvre en quelques minutes d'une épaisse couche blanche, aux arbres qui se tordent sous les bourrasques. Impressionnant, surtout parce qu'on est le 28 juin (dans l'hémisphère nord.), et que si la chaleur étouffante de la matinée ne laissait guère de doute sur la probabilité d'orage, il restait difficile d'imaginer un tel déferlement de grêlons !

Heureusement, la chaleur du sol eut tôt fait de transformer tout cela en ruisseaux, rapidement gonflés encore par la pluie qui s'en suivit.

Evidemment, quand on est entre spéléos, un peu concernés par les secours, une telle situation entraîne forcément des supputations, des craintes : quand même, on est dimanche...

"Alors, ça va être où ? Borne aux Cassots ?"
"Non, pas une résurgence, le temps que ça siphonne à la sortie..."
"Bon alors je parie sur Bief Bousset ou Baume des Crêtes"
"Arrête ! Tout de même la météo faisait pas de doute, personne ne s'est engagé dans de l'actif"

Perdu... Deux heures après, c'est à dire lorsque toute inquiétude a disparu, c'est comme toujours le téléphone qui assène la réalité. "Des spéléos sont passés devant le gouffre du Gros Gadeau sous des trombes d'eau : toute la prairie est inondée, une énorme cascade se jette dans le puits, et il y a une corde dedans et une voiture devant"

Aïe. Là ça craint. Une vraie crue là-dedans, ça sent l'apocalypse. On sait que tout se noie en dessous de -80, que l'avant-dernier puits est impraticable, que si c'est mal équipé...  Evidemment, on n'est pas sûr qu'il y ait quelqu'un dedans. Peut-être qu'ils sont sortis il y a longtemps, qu'ils ont laissé équipé, qu'ils sont aux jonquilles...

Bon, pas la peine de tourner en rond : la probabilité de grosse merde est telle que le conseiller technique me demande d'aller sur place, qu'il y va aussi, et que Bruno va partir. Obtempérons.

D'abord le matos. Je dois faire un sérieux détour. Evidemment en route, ça gamberge. Je pressens que "ils" ont vachement intérêt à ce que je roule vite. Je sais que ça presse. Alors je prends quoi ? Premier problème à résoudre dans un état d'émotion qui n'aide pas à voir les choses sereinement. Il s'agit d'eau qui tombe ; je ne peux pas avoir à nager. Je choisis ponto et cagoule marboré. Combi texair ou pas ? Non, de toutes façons elle est pleine de trous. Mais surtout : le plein de carbure, quatre piles neuves dans la frontale, 4 autres dans la poche, une trousse à spit. Allez, tout en vrac dans le coffre et au passage une poignée de mousquetons, de plaquettes, et la première corde qui me tombe sous la main : c'est une 40, et c'est du 8mm ; bah, elle ne servira sans doute pas, le matos SSF39 arrivera avant moi...

Reste vingt minutes de route pendant lesquelles évidemment, mon esprit ne peut se défaire d'énormes cascades martelant des cadavres pendus sur des cordes... beurk.

Arrivée sur place : pas grand monde encore à part Bruno, le CTA, et une paire de gendarmes dont un brigadier qui commence à m'engueuler parce que je ne me suis pas garé "en épi". Bruno est déjà en train d'enfiler sa néoprène. Je le salue, et sans réfléchir un seul instant, je m'équipe aussi.

Le CTA donne les infos : un type est sorti du trou il y a une demi-heure, il se sèche dans la ferme à côté. Il dit qu'il a laissé ses deux équipier en dessous, et qu'il a réussi à ressortir sans lumière, mais que c'est infernal là dedans...

En effet, on est à 200m de la perte, mais le bruit est impressionnant. Tellement impressionnant que le CTA n'est pas chaud pour nous dire de descendre, qu'il aimerait bien attendre le CT, attendre le matos SSF, attendre que le niveau baisse... Des spéléos "de base" arrivent petit à petit, tournent autour du trou, reviennent en tirant la gueule et en faisant des réflexions pertinentes du genre "ça coule bien".

On interviewe le "survivant" : on arrive à comprendre qu'ils ont vu arriver une trombe d'eau à la base des puits, qu'ils ont tenté de remonter, qu'il a laissé les deux autres en dessous de lui, vers -70, qu'ils sont bien équipés. Il a l'air vraiment naze ! Pas grand chose de plus à en tirer. En tout cas, on sait au-moins deux choses : ils ne sont pas dans la galerie qui est forcément noyée à l'heure qu'il est ; mais ils sont peut-être bloqués dans les derniers puits, c'est à dire à l'endroit le plus épouvantable en crue.

Tout cela ne fait que confirmer l'urgence de l'intervention, d'autant que la pluie refait son apparition.

Le CT est arrivé, des pompiers, le maire, visiblement tout est déclenché. Mais paradoxalement, il ne se passe rien. On se retrouve à deux tout équipés au-dessus du puits à regarder les quelques 100 ou 200 litres de bouillon qui se déversent chaque seconde là-dedans. Le puits est équipé comme il faut : la corde n'est sous la cascade que sur les 3 ou 4 derniers mètres. Il n'y a qu'à mettre le descendeur...

Mais le feu n'est pas encore au vert ! La nuit est tombée ; cela fait au-moins quatre heures que la crue a démarré, et elle semble s'atténuer... ou alors, c'est de l'autosuggestion. Bruno et moi on sait deux choses : qu'il faut y aller et qu'on peut y aller. Ce n'est pas encore l'avis des CT sur place qui pensent (on peut se mettre à leur place) qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'en risquer deux pour... C'est la spirale des hésitations qui retarde encore et toujours la décision : il faudrait attendre la bonne météo, attendre le matos, et peut-être qu'ils vont finir par sortir tout seuls, ou peut-être que ça ne vaut plus le coup...

Une heure et demie qu'on est prêts, tout équipés, va falloir déchauler alors qu'on est toujours dehors ! Ca y est : on a l'argument : "Si  un mec trempé, épuisé, et visiblement pas un cador, a pu sortir en pleine crue sans lumière, pourquoi deux spéléos reposés, parfaitement équipés, et instructeurs EFS s'il vous plait, ne réussiraient-ils pas à descendre?"

Mouche ! C'est parti. Acéto à fond. Finalement, pas de gros souci dans le premier puits, la douche est sévère en bas, mais pas extrême. Bon, très bon : la vire est bien équipée jusqu'au bout, avec un beau Y à l'extrémité ; c'est encourageant. Base du deuxième puits : ça se corse. La corde ne va pas jusqu'à la main-courante du 3ème puits. Dans le bout de galerie en pente, impossible de mettre les bottes dans l'eau, on se ferait embarquer.

Décision : j'assure Bruno dans ce passage, et je spite une petite tyrolienne en hauteur. Finalement, il passe au-dessus de l'eau sans difficulté, et je me demande si la tyrolienne est nécessaire...  Bon, sans doute s'il se produit une deuxième vague de crue. En fait, cette pensée ne nous quitte pas, et freine considérablement la progression ! Qu'est-ce qui peut nous arriver dans le dos ? De fait, en spitant je fais une observation intéressante : dans ce trou habituellement, le sol et les parois sont plutôt noirs et vaseux, or je constate à la base du deuxième puits que les galets et la paroi sont franchement blancs et brillants, comme je ne les ai en fait jamais vus depuis vingt ans que je descends là dedans. Ils n'ont pu être lavés que par la cataracte qui vient d'en haut. Mais cela signifie aussi , si je peux le voir, que le débit a considérablement baissé depuis cet après-midi...

Un problème supplémentaire : j'ai un peu "chauffé" en spitant ; résultat, ça condense dur sur mes lunettes. Impossible de m'en débarasser sans lécher. Et une fois léchés, les verres dégoulinent... Bref je décide de les poser là. Tout se trouble, mais de toutes façons, je ne devrais pas beaucoup quitter la corde.

Tyrolienne en place. Bruno a un peu rééquipé en hauteur l'accès au 3ème puits. Ici, l'ambiance est forte : le vacarme est assourdissant, la moindre fissure dégouline, un trou gros comme le doigt coule comme un robinet ! Ouf, la corde d'équipement barre dans la diaclase : c'est vraiment bien équipé. On appelle : rien. Pourtant ça serait bien qu'ils attendent à la base de ce puits là. Qu'est-ce que ça serait bien ! Parce qu'après...

Pendule dans la diaclase. Tout doucement le pendule... pas question de repartir en arrière sous la cascade. Oppo dans la diaclase : là c'est le vent, impossible de tenir l'acéto allumée. A l'électrique c'est encore un peu plus angoissant. Descente du dernier tronçon de 10m : personne en bas. C'est à cet endroit réputé "sec" qu'on espérait trouver nos rescapés. Eh bien ils ne sont pas là, donc forcément plus bas. Une chose sidérante : des montagnes de mousse sur l'argile à 1,5m de hauteur.

On a mis presque une heure pour arriver là ! Une vraie course de lenteur. Peur permanente de la seconde vague de crue ? Crainte de découvrir trop vite la vérité ? Maintenant on se regarde et on a, je crois,  vraiment la trouille : ça sent la mort plus bas...

Et tout se précipite : le cri ! le "Hoé" qu'on n'espérait plus, qui se répète, se dédouble, et qui vient bien de plus bas.

Plus d'un mètre d'eau dans les deux vasques : jamais on ne les avait franchies aussi vite, courant oblige ! Elles se vengeront dans l'autre sens : on vient de faire notre première erreur...

Le R4 : un coup d'oeil sur les double-amarrages : correct ; Bruno descend presque en sautant. Il regarde en bas et se met à hurler. Je parviens non pas à entendre, mais à interpréter : ils sont là tous les deux, bien vivants d'après les cris. Bruno crie (mais je ne comprends pas) et fait des gestes qui me font penser à une corde. En effet, c'est moi qui ai la corde. Que pourrait-il bien vouloir d'autre d'ailleurs ? Mais dilemme : il veut une corde ? Ou il veut que j'installe une corde ? Impossible de dire pourquoi, mais je lui jette la corde. Perdu ! Il me fait signe de descendre.

Cinq secondes après, je vois. A gauche la corde d'équipement, installée selon le "hors crue" habituel ; à son extrémité, elle disparaît sous la cascade sur au-moins cinq mètres. A droite, donc à l'opposé de la corde, deux formes jaunes et rouges, dans l'eau jusqu'aux épaules. Ca ne correspond pas à l'image que j'avais en entendant les premiers cris : j'imaginais les deux debout, agitant les bras et regardant en l'air. En fait rien ne bouge : on voit des casques, des hauts de texair, pas de bras... mais en tout cas, ça crie ! Ca n'arrête pas de crier, à tel point que c'est chiant et que je finirai quelques minutes plus tard par dire "Ta gueule"...

En attendant, avec Bruno plus besoin de s'expliquer : il me tend le bout de la corde. Il n'y a rien de plus à dire : balancier. Je remonte le R4 avec le bout de corde ; il n'y a que là-haut qu'on peut faire marcher un balancier. L'image est précise dans ma tête : Bruno va attacher le premier à un bout et je me pends à l'autre bout. Cela doit marcher comme dans le manuel. Sauf que dans le manuel, il est fait mention de poulies, de bloqueurs... et que je n'ai rien de tel sous la main. Seconde erreur : on est vraiment parti avec rien. Foin ! Ca marchera avec un mouqueton en acier. Enfin, on verra bien.

Pendant ce temps, Bruno a équipé avec sa corde la voie de droite, et descend avec l'autre extrémité de ma corde. A partir de là, je ne peux plus le voir. Mais j'entends bien vite hurler: cela doit signifier "Tire !". Quoi d'autre ?

Je suis déjà au croll sur la corde en balancier. Je me pends dans le ressaut en tirant en plus avec les bras, poignée inversée sur l'autre brin. Rien ne bouge : ça se tend, mais je ne sens pas monter. Peut-être n'est-ce pas cela qu'il fallait faire. Pourtant j'entends du bas quelque chose comme "ho-hisse", qui se répète. C'est donc bien cela. Et effectivement, la corde commence à coulisser.

Cela dure bien dix minutes, et je les vois apparaître à la base du ressaut. Pas d'interruption : je continue à tracter dans le ressaut, mais cette fois Bruno pousse, et ça monte mieux. Je peux saisir une longe, et c'est fini. C'est la fille. "Bonjour Sarah, moi c'est Rémy". On ne se refait pas hein ? Elle me regarde avec des yeux énormes, ne dit rien du tout, mais n'arrête pas de sourire. Tiens elle n'a qu'une botte. Les présentations s'arrêteront là : Bruno me dit textuellement "Je peux plus. A toi, grouille,  l'autre est en train de se noyer". J'en déduis que 1) il va prendre ma place au balancier et que 2) c'est moi qui vais attacher le mec !

Parti. J'ai peur. J'ai peur de pas y arriver. Jamais je n'ai vu Bruno avoir l'air aussi crevé. Et il a un peu plus la bouteille que moi. J'aurais vraiment préféré que ce soit lui qui redescende. Envie d'être une heure plus tard. Comme dans les films, je pense à mes enfants. Pas de connerie, surtout pas de connerie. Le descendeur est bien mis ? Je vérifie deux fois. Tête baissée, je commence à descendre. La cascade est à droite, de plus en plus près. Ca éclabousse fort. Je me décale à gauche en agrippant des aspérités. Et cette deuxième vague de crue, si elle arrive maintenant ? En fait je ne regarde rien d'autre que mon descendeur ! "Faudrait peut-être te souvenir pourquoi t'es là". Un coup d'oeil en arrière : mais je suis presque arrivé à lui. Déjà ? Ouf en tout cas, car j'ai l'impression que le plus dur est fait. Maintenant je n'ai plus qu'un objectif : l'arracher le plus vite possible de là-dedans et qu'on en finisse.

Il est vraiment dans l'eau jusqu'à la poitrine. Je fais une clé sur mon descendeur (!) et installe mon croll et ma poignée. Je me penche le plus possible et lui montre le bout de la corde de traction avec le mousqueton. Il ne le prend pas!!! Il ne sort pas les bras de l'eau, mais me regarde en faisant non de la tête... J'ai l'impression qu'il est blanc comme mon frigo. Bon, j'accroche la corde dans le seul truc qui dépasse : son dossard. Heureusement qu'il n'est pas un de ces adeptes de la chambre à air de vélo. Puis je me penche tête à l'envers, plonge le bras dans l'eau, et finit par trouver ce que je cherche : sa longe que j'accroche immédiatement à la mienne. Dans la seconde qui suit : grosse traction sur mon baudrier. Je vois qu'il vient de saisir à deux mains ma longe. Je comprends qu'il ne sortait pas les bras de l'eau parce qu'il était agrippé à quelque chose sous l'eau pour ne pas être entraîné par le courant. Maintenant, il se laisse aller...

Maintenant, faut monter. Je vire le descendeur : on est tous les deux sur mon croll. Faut que je le sorte de l'eau. Faut que je le soulève ; après tout, le dégagement en force, ça marche. Et ça marche ! En serrant les dents, en fermant les yeux : ça monte. "Tire Bruno, tire. Ho-hisse, ho-hisse...". Mais la corde de traction reste molle. Qu'est-ce qu'il fait ? Prends ma respiration, ferme les yeux, serre les dents... vingt centimètres de plus. Mon dossard me scie les épaules, ma ceinture me rentre dans la couenne... vingt centimètres de plus. Il ne bouge pas ce gros sac, m'aide pas d'un poil. Au contraire : le voilà qui bascule à droite. En plein dessous, ça y est. Des kilos de flotte me tabassent la nuque, ça me rentre par le nez. Un instant je pense sérieusement à sortir mon couteau. Je peux le faire. J'aurais le droit de le faire. Après tout je lui ai rien demandé à ce gros con. On m'attend à un stage initiateur. Et puis j'ai sommeil moi...

Finalement, ma main gauche trouve un becquet, et je parviens à me - à nous - décaler un peu gauche ; je n'ai plus que les jambes sous la cascade. Et soudain, ça monte bien plus facilement. J'arrive à regarder vers le haut et je vois Bruno pendu sur la corde du balancier. En choeur : "ho-hisse, ho-hisse...".

Ca y est, on arrive au palier : à trois sur cette brave corde de 8mm. Bruno le chope par son harnais et tire en gueulant. Encore une merde : un sac de noeud en dessous tout coincé qui retient le gros vers le bas. A peine un instant de réflexion et je sors mon couteau ; je vois exactement où il faut couper. Bruno aussi "Coupe ! coupe !" il crie. C'est fait : le gros passe par dessus-moi . Il est posé sur le palier. On se retrouve tous les trois sur le palier. Cette fois, sûr : c'est fini. Le gros est assis, livide. Il dit quelque chose d'incompréhensible. Bruno le secoue comme un prunier, et miracle : il se met presque debout. On le tracte, on le pousse dans le R4, et cette fois il s'aide le gros bébé ; maintenant je l'aime !

Sommet du R4 : notre rescapé s'écroule à quatre pattes. Dans les bras de sa meuf ? Ben non, elle n'est pas là. Alors c'est que Bruno l'a portée au sec à l'amont des vasques. Il me dira après qu'ils ont bien failli se noyer tous les deux là dedans, et que c'est là qu'on aurait dû mettre une tyrolienne. Vu comme on en bave encore avec le gars, je veux bien le croire. En tout cas, cela explique son retard au balancier.

Zone "sèche". Sarah est couchée là sur le côté : elle dort ? Oui. Le gros se pose à côté et lui prend la main... mignon hein ? Et il nous regarde en baragouinant quelque chose d'ahurissant :
"...nir brioche dorée..."
"Quoi ? Tu veux une brioche dorée ???"
"Non... brioche dorée..."

En fait : on s'en fout de ce qu'il dit. Notre seule pensée c'est "mission accomplie". Et plus rien ne presse, à tel point que Bruno me tend... une clope ! Et sèche en plus. Le gros n'en veut pas lui ; apparemment il préfère les brioches. Bon, faut penser à rendre compte, parce qu'au dessus, ça doit salement gamberger. C'est moi qui monte et Bruno qui reste. Je fais gaffe, mais je monte vite : je ne me suis jamais senti aussi léger.

N'oublions pas les lunettes au passage. J'arrive en haut. Bon sang les tronches du comité d'accueil ! La seule chose que j'entends c'est "Alors?". Et je vais répéter une bonne dizaine de fois "Tout va bien : ils sont au sec". Le reste, c'est une histoire de secours. Je jette un coup d'oeil à la cascade : j'ai l'impression que tout est redevenu normal.

Eh bien non, je n'ai pas chopé de rhume ! Les seules traces de cette éniemme descente dans le Gros Gadeau seront pour moi un sifflement dans les oreilles pendant deux jours, et d'énormes bleus aux hanches ! Par contre, il me faut remercier Sarah et Gilles pour m'avoir appris ou rappelé trois choses :

Qu'on ne peut pas prétendre connaître les limites de la résistance humaine : ces deux jeunes gens ont survécu pendant cinq heures dans des conditions hallucinantes, dans le noir, dans l'eau, en respirant dans des alvéoles de corrosion... Ils n'ont pas lâché. Pouquoi ? Eux devraient pouvoir le dire mieux que moi. En tout cas, il semble que l'Amour l'un pour l'autre soit un élément de réponse déterminant ! En tout état de cause, il faudrait encore et toujours réaffirmer qu'on ne doit jamais supposer décédé quelqu'un qui n'est pas retrouvé.

Que les théorèmes et les règles qu'on enseigne en spéléo (soyons clair : à l'EFS) sont toujours susceptibles d'être démentis par la réalité concrète... Deux exemples ici : ce qu'on appelle traditionnellement "équipement hors crue" devrait tout au plus s'appeler "hors hautes-eaux" ; un géographe doit connaître la nuance entre ces deux termes ! Le vrai "hors crue" n'existe sans doute pas, dès lors qu'on n'est pas dans un réseau fossile depuis des millénaires... mais même les urbanistes tombent dans le piège, suffit de regarder la télé. Ensuite ces fameuses "techniques de réchappe, autodégagement" qui ont permis de bouler tant de candidats initiateurs... : c'est de la merde ! Je dirai maintenant qu'il vaut bien mieux savoir utiliser tous ses outils, dans plein de situations ; l'application, c'est une question de neurones. La réalité ne supporte pas le dogmatisme.

Enfin, j'ai appris qu'à Besançon ce lundi matin, la boulangerie "La Brioche dorée" n'a pas vendu de croissant parce que le petit mitron n'est pas arrivé comme prévu à cinq heures du matin, et qu'en plus un petit nain sans lunettes a oublié qu'il devait prévenir...

Rémy Limagne