Beaucoup
d'entre eux (dont les frères Duret) sont des
scolaires, élèves à l'Institution
St-Jean de Besançon. Leurs explorations ont lieu
le jeudi et le dimanche, jours de congé. R.Duret
écrit par exemple : "Comme ce jour est un
grand jeudi, nous disposons de toute la journée."
(compte-rendu n°2
du 23 mars 1916). A ces jeunes
se mêlent parfois quelques adultes, dont des
enseignants, comme le professeur Joseph
Martinet,
qui semble être à l'origine de leur vocation
spéléologique. Leurs
activités spéléologiques sont
collectives, en groupes parfois nombreux : si on
excepte l'excursion particulière du 11 mars 1917
(23 personnes), l'effectif va de 2 à 9
participants selon les explorations, soit une moyenne de
5 à 6 membres par expédition. Ce
fonctionnement en 'bande' s'explique évidemment par
les nécessités techniques lors de
l'exploration de gouffres, des équipiers nombreux
étant nécessaires en surface. Mais il
s'agissait aussi, certainement, de convivialité et de
camaraderie dans un groupe issu d'une même
école, et pratiquant une activité de loisir
exempte de toute préoccupation de rendement ou de
compétition. Ainsi, certains jours, les participants
sont tous descendus à tour de rôle dans le
gouffre, sans que cela ajoute aux observations faites par
les premiers explorateurs. Néanmoins,
ils ne rechignent pas à se frotter à la
fatigue physique, le risque, la boue et l'aventure, ce qui
les rend éminemment sympathiques !

Une bande de copains
Les
frères Duret et leurs équipiers sont, pour le
plupart, des adolescents ou de jeunes adultes. On peut s'en
convaincre en observant les photographies,
par exemple celles des pages 76
et 77
du premier carnet, où Marcel Duret notamment semble
bien jeune...
Cela ressemble au fonctionnement des 'clubs' modernes, plus
qu'à celui des relations 'maître-assistants'
qui prévalait à cette époque, dans
l'entourage de savants comme Martel ou le professeur
Fournier.
Quelques exemples :
"Challe, les deux Martin et Duret R. descendent. (...) la
montée est longue (...), le dernier, Martin
André, est au-dessus du gouffre à midi moins
5. (...) Après le dîner, R.Duret et Challe
descendent M.Duret et Lecreux (...) Mais ils sont
bientôt tirés de leurs rêves par
l'arrivée d'un cycliste : c'est Zeller. Nous lui
demandons s'il veut descendre, il nous dit que oui. Il
retourne sa veste, prend une bougie, enfonce sa casquette,
et il est bientôt au fond." (compte-rendu
n°2
du 23 mars 1916).
"Les visiteurs du fond du gouffre du Chien, ayant
terminé leur promenade, sont remontés, d'abord
Vaissier. Puis Martinet est descendu et Flusin
remonté. Ensuite, Marcel et Robert Fourquet (...)
sont remontés, et enfin Zeller et Parent sont
descendus. Moi qui étais resté au fond, je
fais visiter le gouffre aux nouveaux arrivants. Puis nous
sommes tous remontés..." (compte-rendu
n°13
du 25 février 1917).
"Marcel est prêt pour la descente, qui se passe
très bien. (...) Puis Zeller est descendu, et ils
partent tous les deux pour visiter le fond du gouffre. (...)
Puis je suis descendu. Ensuite, c'est au tour de Noé
(à ce moment Billey et Vaissier arrivent, restent
quelques instants et repartent faute de temps). Puis Zeller
remonte et enfin Parent est descendu. Pendant ce temps,
Noé fait sa petite visite. Il remonte ensuite,
pendant que Marcel fait visiter le gouffre à Parent,
qui remonte ensuite. Et enfin la corde redescend une
dernière fois pour remonter Marcel."
(compte-rendu n°14
du 4 mars 1917).
Des citadins aisés
En
l'absence de renseignements précis sur l'origine
sociale des protagonistes, nous ne pouvons que faire des
suppositions. Il nous apparaît que ces jeunes gens
sont, pour la plupart, des citadins catholiques vivant dans
une certaine aisance.
Citadins, car ils habitent presque tous à
Besançon. Même s'ils fréquentent
à l'occasion des ruraux (Robert Carmille, qui habite
à Malbrans, ou les frères Martin, de Busy),
ils ont tendance à toiser avec une certaine
condescendance les paysans des campagnes qu'ils traversent.
Par exemple : "Un pégot se décide
à descendre après eux ; c'est le seul
endroit où l'on ait vu cela ; les paysans ne
goûtent pas ce sport. (...) Les pégots qui
étaient descendus étaient
émerveillés de voir brûler le
magnésium ; ils croyaient que Challe mettait le feu
à la muraille, parce qu'il avait collé son
magnésium sur la paroi. (...) Toute la bande se fait
remonter à 5 heures 1/2, toujours par les paysans.
C'est charmant ! " (compte-rendu n°5
du 9 avril 1916).
Catholiques, car élèves dans une institution
religieuse. Autre fait significatif : lors du
décès accidentel d'Émile Andlauer au
gouffre des Granges-Mathieu, le 11 mars 1917, un des
premiers soucis de Robert Duret est de prévenir le
curé : "Le cadavre était au bas du
gouffre. Il fut cousu dans un drap et lié avec un
bâton pour le tenir raide. On attacha une corde
à chaque bout du bâton, puis une autre corde
servit à tenir le cadavre écarté de la
muraille. Arrivé au-dessus, il fut placé sur
l'herbe ; le curé, prévenu par moi,
l'administra." (compte-rendu n°15
du 11 mars 1917).
Aisés - dans le contexte social de
l'époque -, comme en témoignent de
nombreux indices : des études dans une
institution religieuse ; la pratique d'un loisir somme
toute coûteux en temps, déplacements et
matériel ; une façon de se vêtir
(blazer, cravate, guêtres visibles sur les
photos) ; la possession de bicyclettes ; l'usage
d'un appareil photo, rare à l'époque... Il
semble même que Marcel Duret possède une montre
de poignet, visible sur la photo ci-contre !
![]()